Khruba Siwichai, le saint homme de Chiang Mai, ô combien vénéré


Khruba Siwichai1. Prononcez ce nom ici en pays Lanna et vous verrez les yeux de votre interlocuteur briller de mille feux. Ce moine bouddhiste, disparu il y a plus de 80 ans, est sans nul doute l’homme le plus vénéré dans le nord thaïlandais, particulièrement dans les provinces de Chiang Mai (où il a vécu) et Lamphun (où il est né). Et connu dans l’ensemble du royaume de Thaïlande. Lors de votre passage dans la Rose du Nord, vous le verrez forcément représenté sous forme de statue, que ce soit dans un temple ou dans l’espace public. Et vous aurez visité plusieurs temples sans même savoir que leur chedi contient une de ses reliques. Attention à ne pas confondre ce moine avec le légendaire Phra Upakut – lui aussi présent en de nombreux temples – dont les apparitions nocturnes sont scrutées par les gens du Lanna…
Le nom de Siwichai est indissociable du fameux temple du Doi Suthep. Nous reviendrons un jour sur l’ensemble des 14 sites où ses reliques reposent, principalement des temples bouddhistes, et développerons la brève biographie figurant en fin d’article. Mais l’objet de ce dernier est de vous indiquer quelles sont les célébrations publiques en lien avec Khruba Siwichai, des célébrations auxquelles on ne peut que vous inviter à participer. Vous vous rendrez alors compte de la vénération dont est l’objet feu ce saint homme. En y participant, ce sera pour vous l’occasion de découvrir des cérémonies religieuses parfumées d’authenticité où sa mémoire est honorée. Ici, pas de tourisme à outrance ! Trois dates vous permettront de vivre les festivités en lien avec Khruba Siwichai : le 30 avril, un jour du mois de mai et le 11 juin.
PROCHAINES FESTIVITÉS
De 2020 à 2022, en raison des restrictions dues à la pandémie du Covid-19, les cérémonies ont soit été annulées, soit restreintes; espérons par conséquent que celles organisées en cette année 2023 marqueront un renouveau. En voici les dates :
➥ dimanche 30 avril 2023 : commémoration de la route menant au Doi Suthep (post et 2 albums-photo, ici et là;
➥ jeudi 25 mai 2023 (date à confirmer) : pèlerinage vers le temple du Doi Suthep;
➥ samedi 10 & dimanche 11 juin 2023 : commémoration de la naissance de Khruba Siwichai (l’on vous en parle ici)
30 avril – Inauguration de la route menant au Doi Suthep
C’est l’une de ses grandes réalisations, l’édification d’une route moderne permettant aux dévots bouddhistes de rejoindre plus facilement le site le plus vénéré du nord thaïlandais, le Wat Phra That Doi Suthep Rat Wora Wihan, soit le temple au haut du Doi Suthep, montagne tutélaire de Chiang Mai. Il faut savoir qu’avant la construction de dite route, ce ne sont pas moins de cinq heures de marche dans une forêt dense qui étaient nécessaires pour rejoindre le temple sacré; aussi, les personnes de santé faible ne pouvaient se permettre l’ascension.
C’est un homme d’affaires d’origine chinoise, Chin Ngow, qui a conduit Khruba Srivichai en haut de la montagne, avec sa propre voiture. Khruba Siwichai était assis derrière lui et Luang Sri Prakad, maire de Chiang Mai, les accompagnait. La voiture, une Ford, est exposée au musée Khruba Siwichai à Wat Ban Pang, à environ 100 km au sud de Chiang Mai (photos de Frans Betgem, inlassable arpenteur de l’histoire de Chiang Mai).
Grand-père Oui Noi, alors qu’il était novice, a participé à la construction de cette route. Âgé de 101 ans et vivant à Lamphun, il s’en souvient encore, en parlant avec émotion et exhibant des photos d’archives (c’est le moinillon assis sur la voiture; la photo, datant du 30 avril 1935, a été colorisée).
Ainsi, chaque 30 avril est l’occasion de commémorer l’ouverture de la route du Doi Suthep, inaugurée en 1935. À noter que, de nos jours, une nouvelle route plus large y mène (ce qui explique que la route Suthep actuelle en ville de Chiang Mai n’est plus celle qui mène à la montagne). Les photos d’archives de cette construction épique peuvent être admirées au pied du temple, là où se trouve l’entrée du petit funiculaire, sur votre droite avant les 310 escaliers donc. Si vous prévoyez de visiter le temple ce jour-là, voilà ce que vous risquez d’y voir :
Généralement en mai – Pèlerinage nocturne du Doi Suthep2
Ce pèlerinage est indirectement relié à Khruba Siwichai. Il a lieu le jour précédent le Vesak, plus importante fête du bouddhisme théravadin (en 2020, les festivités du mardi 5 mai ont été annulées). Ce sont des dizaines de milliers de dévots qui se lancent dans l’ascension nocturne du Doi Suthep – il leur faudra entre trois et quatre heures de marche afin d’arriver au temple, perché là-haut à 1676 mètres. Le départ du pèlerinage se fait depuis le sanctuaire dédié à Khruba Siwichai (อนุสาวรีย์ครูบาศรีวิชัย), au pied de la montagne. Un sanctuaire très animé tout au long de l’année – et plus encore ce soir-là. Cette nuit est aussi l’occasion pour les pèlerins d’honorer la mémoire du saint homme qui s’est battu afin de rendre plus accessible ce temple sacré.
Si vous avez le courage de rejoindre le temple du Doi Suthep à pied, vous mêlant aux locaux, ce sera là sans doute un souvenir impérissable que vous garderez de Chiang Mai. Vous saurez tout de cet événement en lisant l’article que nous lui avons consacré : Pèlerinage annuel nocturne du Doi Suthep.
11 juin – Date de sa naissance et principales célébrations en son honneur
Khruba Siwichai est né le mardi 11 juin 1878 dans la province de Lamphun. C’est donc tout naturellement dans cette province voisine de Chiang Mai que les célébrations les plus importantes ont lieu. On vous les livre ci-dessous par ordre d’importance. Attention, elles commencent, pour certaines, le jour précédent, le 10 juin.
Wat Doi Ti, à Lamphun
Depuis Chiang Mai, en empruntant la route no 11 qui rejoint l’axe autoroutier principal menant à Bangkok (l’autoroute no 1), impossible pour vous de ne pas voir l’imposante statue de Khruba Siwichai, dont le visage est souvent agrémenté naturellement d’immenses nids d’abeilles ! C’est là que se situe le Wat Doi Ti (วัดดอยติ), un temple bouddhiste portant le nom de cette petite colline qui vous offre une magnifique vue sur toute la vallée avec, au loin, la chaîne de montagnes Khun Tan. Vous avez peut-être déjà entendu parler de ce temple en raison du magnifique spectacle que représente le lâcher géant de lanternes célestes durant le Loy Kratong. Et c’est précisément ce temple qui organise la plus belle célébration en mémoire de son saint patron.

Un événement qui se déroule sur deux jours, lundi 10 et mardi 11 juin 2019, ayant comme concept cette année : Où Khruba est allé, nous irons aussi. La grande journée commémorative est fixée à mardi 11 juin puisqu’elle marque le jour-anniversaire du vénérable Khruba Siwichai ! En voici le programme :
► LUNDI 10.06.2019 – Une journée qui permet d’accumuler des mérites
- 13h : compétition de tambours sabatchai (สะบัดชัย, c’est ce type de tambours).
- 14h : concours de prières charismatiques; sera récitée บารมี ๓๐ ทัศ (barami samsip that, qu’on peut traduire par Les 30 visions prestigieuses); c’est cette prière-ci, écrite par Khruba Siwichai, et ça ressemble à ça.
- 18h : récitation commune de la prière Les 30 visions prestigieuses.
► MARDI 11.06.2019 – C’est la grande journée de commémoration
En matinée :
- 07h00 : offrandes matutinales à 19 moines bouddhistes
- 08h00 : spectacle historique son & lumière contant la vie de Khruba Siwichai
- 09h30 : cérémonie religieuse Thaksina Nuprathan avec 30 moines bouddhistes
- 10h00 : bain rituel du reliquaire (กู่, ku) de Khruba Chao1 Siwichai (song nam ku)
- 10h45 : spectacle historique son & lumière contant la vie de Khruba Siwichai
- 11h00 : offrande de nourriture aux moines
- 11h30 : repas en commun (et c’est gratuit)
En soirée (c’est là que vous pourrez admirer de magnifiques danses traditionnelles du Lanna) :
- 17h00 : grande parade en 4 parties : parade Doi Khamam, parade des 7 districts, parade Kanchan et parade Dharma Yat. Le départ se fait depuis le Centre en cas de catastrophes du sous-district de Pa Sak, l’arrivée est attendue au temple vers 17h30.
- 18h00 : cérémonie d’ouverture.
- 18h45 : cérémonie religieuse (offrande de nourriture et sacrifice en l’honneur de Khruba Chao Siwichai).
- 19h00 : la grande statue de Khruba Chao Siwichai sera recouverte d’une nappe et un bain rituel effectué.
- 19h30 : spectacle Nantapri Nanatleela Lanna en l’honneur des 141 ans de la naissance de Khruba Siwichai, avec la présence des tambours du Lanna.
Contrairement à l’année dernière, il n’y aura pas de marché local à l’ancienne (กาดมัว, kat mua). Quoi qu’il en soit, ne manquez pas la splendeur offerte par cet événement étalé sur deux jours, d’autant que Lamphun n’est pas très loin de Chiang Mai (un peu plus de 30 minutes de route, voir ci-dessous). Un événement tant religieux que culturel – difficile de faire la différence entre ces deux notions souvent entremêlées en Thaïlande.
Si vous vous rendez au Wat Doi Ti, excentré, vous ne manquerez alors pas de faire une visite du Wat Phra That Hariphunchai, temple au cœur de la ville de Lamphun (lire ci-dessous). En revanche, et là-aussi contrairement à l’année dernière, pas d’activité particulière liée à Khruba Siwichai dans ce temple cette année-ci.
Le Wat Doi Ti (วัดดอยติ)
Page Facebook (pas de site web à notre connaissance)
Un temple que nous présente le siteTemple-Thaï.com
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Emplacement
Mise à jour : on vous offre ci-dessous l’ensemble du spectacle 2019 filmé en direct par TV Lampang :
Wat Chamma Thewi, à Lamphun
À l’ouest de la ville de Lamphun se trouve une perle architecturale, le temple Chamma Thewi (วัดจามเทวี) – que les habitants du coin appellent le Wat Ku Kut (วัดกู่กุด) – et ses deux anciens chedi. Parmi ces deux, le chedi Mahabol est l’un des derniers témoins survivants de l’architecture môn Dvaravati en Thaïlande. Relativement bien conservé, vous le reconnaîtrez facilement de par sa construction pyramidale. L’endroit porte le nom de la souveraine fondatrice d’Haripunchai, le nom premier de Lamphun : Chamadevi (พระนางจามเทวี). Ses cendres y ont été déposées.
Et c’est le lieu, bucolique, où est organisée, mardi 11 juin 2019, une cérémonie religieuse pour rendre hommage aux reliques de Khruba Siwichai. En voici le programme :
- 07h00 : offrandes de nourriture à 19 moines;
- 09h30 : cérémonie bouddhiste avec psalmodie d’un sermon en présence de 30 moines (en référence à la prière composée par le Vénérable, voir ci-dessus);
- 10h45 : cérémonie religieuse de respect.
Sur place, vous verrez une exposition des diverses étapes de la vie de Khruba Siwichai. Le folklore du Lanna sera de la partie; vous avez là quelques photos avec, en titre, l’ancienne écriture du Lanna. On annonce la présence du gouverneur de la province.

Le Wat Chamma Thewi (วัดจามเทวี), appelé communément Wat Ku Kut (วัดกู่กุด)
Page Facebook (pas de site web à notre connaissance)
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Emplacement
Wat Phranon Mee Pukha, à San Kamphaeng

On vous a déjà parlé de ce ravissant temple perdu dans la campagne à l’occasion d’une exposition d’ombrelles typiques du Lanna. Comme c’est un endroit sacré qui abrite des reliques de Khruba Siwichai – de même qu’une grande statue du vénérable à l’entrée, immanquable – c’est tout naturellement que le temple organise lui aussi une fête à l’occasion de son jour-anniversaire. Et cette année, les festivités prendront une tournure exceptionnelle puisqu’une paire de statues de lions-gardiens (phaya singh luang) sera livrée par un cortège ayant marché deux kilomètres jusqu’au temple, en tirant à mains nues les deux statues !
La parade démarre mardi 11 juin 2019, à 15h, au carrefour de Bo Sang (le village des ombrelles), et arrivera au Wat Phra Pan (ou Wat Phranon Mee Pukha), deux kilomètres plus loin.

L’expression thaïlandaise singh (lion) vient de simha; on rencontre le terme singh dans les noms de plusieurs personnages illustres de l’histoire du royaume. En savoir plus sur la symbolique des lions gardiens de temples asiatiques avec l’historien Cosimo Nocera, guide au Musée national de Bangkok et animateur du site fort instructif Usus Mundi.
Au surplus, notre article Un temple où repose un Bouddha couché à l’ombre des ombrelles vous en dit plus sur le Wat Phranon Mee Pukha, vous dévoilant moult autres adresses alentour pour qui veut s’y rendre.
Le Wat Phra Pan (วัดพระป้าน) ou Wat Phranon Mee Pukha (วัดพระนอนแม่ปู๋คา)
Page Facebook du temple (pas mise à jour), de l’organisation religieuse qui y est reliée (animée aléatoirement) et enfin de Nan Louang, un moine qui est plutôt actif. Vous pourrez voir des photos récentes sur la page FB du lieu, sur Instagram et sur Twitter (hashtag #วัดพระนอนแม่ปูคา).
Pas de site web à notre connaissance
Ne semble pas figurer sur TripAdvisor
Emplacement

Mise à jour : ces photos aériennes vous permettent d’imaginer le très beau spectacle offert par cette cérémonie unique (à laquelle nous avons participé). C’est bel et bien la traction humaine qui a déplacé ces deux immenses statues ! Quel n’a pas été notre étonnement à la vue de ces centaines de dévots tirant à mains nues sur deux très longues cordes afin que les lions gardiens atteignent leur emplacement définitif.
Sanctuaire Khruba Siwichai, au pied du Doi Suthep, à Chiang Mai

Ce sanctuaire, situé au pied de la montagne tutélaire de Chiang Mai et qui s’étend d’année en année, est un arrêt obligatoire pour tout dévot bouddhiste qui visite le temple du Doi Suthep, au haut de la montagne. Il est dédié à l’homme grâce à qui 20 minutes de route seulement permettent de déposer son offrande dans ce qui est le temple le plus vénéré du nord de la Thaïlande. Et dire qu’il fallait naguère cinq heures de marche dans une forêt épaisse… On vous dit ci-dessous pourquoi Khruba Siwichai est autant vénéré. Une vénération qui peut facilement s’observer dans ce sanctuaire qui reçoit les fidèles chaque jour de l’année, que ce soit en matinée, en journée ou en soirée (et chaque période de la journée a son ambiance particulière). Les fleurs s’achètent dans les stands juste en face afin d’en faire offrande. Un lieu apprécié de toute la population comme des Miss qui ne manquent jamais de s’y faire photographier.
C’est donc ce sanctuaire dédié à Khruba Siwichai (อนุสาวรีย์ครูบาศรีวิชัย), au pied de la montagne, qui voit traditionnellement marcher silencieusement aux aurores, le 11 juin de chaque année (vers 6h du matin), des dizaines de moines à la robe orange recevant les offrandes des dévots.
En raison de l’arrivée d’un nouvel abbé supérieur, nous n’avons pas pu obtenir le détail de la cérémonie de cette année mais elle nous a cependant été confirmée. L’an dernier, ce ne sont pas moins de 219 moines qui ont reçu les offrandes matutinales des fidèles; photos et vidéo :
Précisons encore que c’est tous les matins qu’un tel cérémonial a lieu à cet endroit (mais pas avec autant de moines, ce qui n’enlève rien à son authenticité). Par ailleurs, notre partenaire, le Swiss-Lanna Lodge, vous propose un circuit exclusif, accompagné de Khun Wet, ancien moine ayant enseigné huit ans durant à l’université bouddhique du Wat Chedi Luang, un circuit qui vous permet de participer aux aumônes matutinales du Wat Phra That Doi Suthep, au haut de la montagne. Une singulière cérémonie en compagnie de quelques courageux dévots, juste après le lever du soleil. Mais alors, il faut vous lever tôt : départ à 5h du matin ! Consultez les détails de ce circuit exclusif qui vous met au contact du bouddhisme vécu par les Thaïlandais.
Le sanctuaire dédié à Khruba Siwichai (อนุสาวรีย์ครูบาศรีวิชัย)
Page Facebook du monument (pas vraiment mise à jour)
Avis TripAdvisor
Emplacement (ouvert 24 heures sur 24)
Se rendre à Lamphun
Lamphun est la plus ancienne ville de l’ancien royaume du Lanna, créée au VIIe siècle; Hariphunchai est son nom historique au temps du royaume môn. On vous l’a déjà dit, la ville n’est pas très éloignée de Chiang Mai; le déplacement n’en est que d’autant plus justifié.
Tenant compte des horaires des divers événements et de leur emplacement, il vous sera difficile – mais non impossible – d’utiliser des moyens de transport en commun pour rejoindre Lamphun depuis Chiang Mai (principalement en minivan depuis le marché Warorot ou alors en song thaew bleus). Le trajet en train est hautement recommandable – ambiance locale garantie – mais difficile de vous le conseiller vu les horaires en question.
Comme la distance n’est que de 30 kilomètres, le scooter de location est le moyen de transport idéal (attention au retour durant la nuit cependant). Quatre liaisons routières s’offrent à vous :
- l’autoroute no 11 (c’est l’axe le plus rapide mais nous vous le déconseillons);
- l’ancienne route principale vers Bangkok, qui se nomme fort à-propos la route Chiang Mai-Lamphun (no 106) : sa longue allée d’arbres en ravira plus d’un !
- la route, toute droite ou presque, parallèle à la ligne de chemin de fer. Elle a son charme;
- et enfin la liaison la plus bucolique – que nous vous conseillons si le temps n’est pas votre ennemi – celle longeant la rivière Ping (choisir idéalement la rive droite).

Si vous y allez à plusieurs, en famille par exemple, négociez avec un chauffeur de song thaew le trajet aller-retour depuis Ching Mai, comprenant l’attente.
En arrivant à Lamphun, apercevoir au loin la statue de Khruba Siwichai est spectacle émouvant, d’autant qu’en longeant à vélo la ligne de chemin de fer, l’imposante représentation du saint homme apparaît peu à peu…
Si vous n’êtes encore jamais allé à Lamphun, la visite incontournable est celle du Wat Phra That Hariphunchai, très ancien temple au cœur de la ville. Son chedi est aussi beau que celui du temple du Doi Suthep (ce dernier s’en étant largement inspiré). Avant que l’on ne consacre un article complet à la visite de Lamphun, vous pouvez consulter les conseils de notre partenaire TripAdvisor ou encore ceux de l’Office du tourisme thaïlandais (TAT), bien qu’ils datent.
Pourquoi une telle vénération ?
Le vénérable Khruba Siwichai a marqué de son empreinte morale tout le nord thaïlandais, d’où il était originaire et où il a vécu. On y organise des pèlerinages en sa mémoire. C’est un moine bouddhique qualifié de ton bun (littéralement « personne de mérite ») , en raison du prestige particulier qu’il a acquis par l’accomplissement d’œuvres extraordinaires, cumulant entreprises d’édification religieuse hors-normes, manifestations de supposés pouvoirs surnaturels et prises de position politiques plus ou moins radicales. Personnage charismatique, rendu célèbre par son opposition aux réformes administratives et religieuses engagées par Bangkok et devenu par là-même le symbole de la résistance régionale à l’hégémonie siamoise.
Lorsque nous avons demandé à un moine vivant dans un temple bouddhiste perdu dans la campagne de Mae Taeng, au nord de Chiang Mai – encore un temple qui a été rénové grâce aux efforts de Khruba Siwichai – l’homme nous répondit qu’un bon nombre de temples a été rénové du temps de Khruba Siwichai. Qui plus est, il a rendu populaire l’enseignement bouddhique de sorte que beaucoup de jeunes se sont engagés dans le noviciat durant ce temps-là.
Brève biographie

Khruba Siwichai est donc né le mardi 11 juin 1878 (2421 selon l’année bouddhique thaïlandaise) à Ban Pang, petit village du district de Li, dans la province de Lamphun, au sud de Chiang Mai. Il y est mort le 21 février 1939 (ou 2482), un mardi également, à l’âge de 60 ans. Ce même district de Li où se déroule chaque année la spectaculaire exhumation de deux autres moines, dont l’un est très vénéré, Khru Bawong.
Siwichai est un mélange de charisme (très populaire de son vivant), d’activisme (il est surtout connu pour la construction et la rénovation de nombreux temples) et d’affrontement (en conflit politique avec les autorités, il a été emprisonné). Un être à l’impressionnante ascèse3 : on dit qu’il ne prenait qu’un repas par jour, sans viande ni poisson (animaux « qui ont une âme », winyan) et pratiquait la méditation de concentration (phatibat dan smathitham). On lui attribue des faits miraculeux qu’il a toujours niés.
Siwichai est né dans une humble famille paysanne. Des témoignages suggèrent que le jour de sa naissance, il y a eu un orage violent et de la pluie, raison pour laquelle on lui a donné le nom de Fuen (เฟือน, tremblement de terre), ou encore Fa Rong (ฟ้าร้อง, tonnerre). Enfant, il avait de la compassion pour tous les êtres, relâchant les animaux que son père attrapait.
Sa première construction fut la rénovation du temple de son village. Depuis lors, il ne cessa de réunir les habitants afin qu’ils s’engagent dans la construction et la rénovation de moult ouvrages, religieux ou non, avec, en point d’orgue, la route du fameux temple du Doi Suthep, à Chiang Mai.
Les autorités bouddhistes nationales ont promulgué une loi – le Sangha Act de 1902 – que Khruba Siwichai, rebelle, a vivement combattue, ce qui lui a valu plusieurs emprisonnements (on se bornera ici à indiquer que le désacord portait sur l’ordination de moines). Pour mieux comprendre les conflits dont il est question, il faut se rappeler qu’en 1897 le royaume du Lanna a été intégré – plus ou moins de force – au royaume du Siam. À titre d’exemple, la langue locale étaient bannie mais Khruba Siwichai continuait, lui, d’enseigner le bouddhisme dans sa langue maternelle, et non pas en thaï.

Le mardi 21 février 1939, lorsque Khruba Siwichai a quitté son écorce terrestre, vaincu par la maladie, l’on dit que le ciel s’est assombri, apportant de fortes pluies, inattendues (février étant encore la saison sèche), un temps semblable au jour de sa naissance… Les croyances étant ce qu’elles sont, Khruba Siwichai se retrouve souvent représenté sur les amulettes thaïlandaises.
En l’an 2018, à l’occasion de la commémoration des 140 ans de la naissance de Khruba Siwichai, l’érudition a été convoquée et a permis la composition d’un ouvrage édité en son souvenir, hélas dans la seule langue thaï. Une page Facebook – qui continue à être alimentée – a été créée afin de le promouvoir : รำลึก 140 ปี ชาตกาล ครูบาศรีวิชัย. Vous pouvez consulter les premières pages du livre-souvenir. Le tout s’est clos avec un événement académique organisé le 19 juillet 2018.
Et comme souvent, l’exégèse de Jean de la Mainate, auteur de l’indispensable site Merveilleuse Chiang Maï, permet un éclairage original sur l’histoire du vénérable Khruba Siwichai. Retrouvez enfin quelques photos d’archives du maître bien-aimé.

Celles et ceux désirant en savoir plus liront avec intérêt Bouddhisme et politique en Thaïlande : une relation complexe et ambiguë. C’est là une contribution de feu le regretté Arnaud Dubus pour Églises d’Asie. Si vous comprenez l’anglais, n’hésitez alors pas à lire son dernier livre : Buddhism and Politics in Thailand (publié par l’IRASEC – Institut de recherches sur l’Asie du Sud-Est contemporaine et disponible gratuitement; vous pouvez également acquérir la version Kindle). Il y parle entre autres de Khruba Siwichai et du mouvement de revitalisation bouddhiste dont il faisait partie. Mentionnons encore ici deux textes de référence (en anglais) : Charismatic Monks of Lanna Buddhism, un ouvrage écrit par l’anthropologue Paul Cohen, lui qui s’intéresse aux moines bouddhiques qualifiés de ton bun par les fidèles des régions septentrionales de Thaïlande (littéralement « personnes de mérite »), avec Khruba Siwichai en couverture. Et The Saint with Indra’s Sword: Khruubaa Srivichai and Buddhist Millenarianism in Northern Thailand, une contribution d’importance de Katherine Bowie, anthropologue elle aussi et professeure à l’université de Wisconsin-Madison, affiliée au Centre d’études du sud-est asiatique (texte en ligne).
Vos pouvez aller à la rencontre d’un disciple de Khruba Siwichai, adepte comme lui de la tradition de la forêt, qui effectue souvent de longues marches et est sortie d’une retraite méditative de trois ans, trois mois et trois jours à fin juillet 2022. Il officie dans un temple de Tachileik, au Myanmar, à la frontière thaïlandaise. Son nom est Khruba Boonchum, véritable bouddha vivant. En savoir plus.
Nous prévoyons de vous dévoiler un jour les lieux emblématiques de Khruba Siwichai afin que vous puissiez, vous aussi, les découvrir et, pourquoi pas, en faire votre pèlerinage ici dans la Rose du Nord. Qui sait si ce magnifique album-photo et cet article vous donneront envie de vous rendre au Wat Ban Pang, dans la province de Lamphun, là où le saint homme est né et où il s’est éteint…

Plonger dans l’histoire de Khruba Siwichai et des autres Vénérables bouddhistes du nord thaïlandais, à l’image du Vénérable Mun Bhuridatta Kaenkaew, appelé Ajahn Mun et plus connu sous le nom de Luang Pu Mun, qui fut l’un des abbés du Wat Chedi Luang et lui aussi l’un des moines les plus vénérés du Lanna, ayant atteint la pleine illumination, c’est comprendre un peu mieux les croyances qui animent le peuple du Lanna, profondément animiste. Bien malheureusement, la littérature francophone est quasi muette sur le sujet. À travers cet article, on espère avoir titillé votre curiosité afin que vous cheminiez autant sur les routes du pays Lanna, à la rencontre des lieux emblématiques qui façonnent son histoire, que sur celles, plus escarpées, de la spiritualité bouddhiste…
1 ครูบาศรีวิชัย en thaï. Vous trouverez d’autres orthographes parlant du même homme, que ce soit Kuba, Khuba, Kruba et autre Sivichai, Srivichai ou Sriwichai. Comme à notre habitude, nous nous en tenons aux règles du Système général royal de transcription du thaï (RTGS). On peut traduire Khruba (ครูบา) par maître. Par ailleurs, il y a une hiérarchie parmi les vénérables bouddhistes : en accolant le terme honorifique chao (เจ้า), on signifie que le niveau de spiritualité est plus élevé encore.
2 Date fluctuante, qui dépend du calendrier lunaire.
3 Sopha Chanamun, Khruba Srivichai ‘dton bun’ haeng lanna, MA thesis, Faculty of Arts, Thammasat University (1991).
Sources rédactionnelles :
- Wikipédia en version anglaise et thaï, bien plus complète
- Remembering local history: Kuba Wajiraphanya (c.1853–1928), Phra Thongthip and the Müang way of life par Andrew Turton
- Kruba Srivichai, Patron Saint of Chiang Mai par Josh Scoggins
Source de l’image à la une © Facebook.
Article composé le 10.06.2019 et mis à jour le 02.05.2023
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