Alors que plusieurs destinations touristiques sont accessibles depuis cet été à l’image de Samui, la Thaïlande s’apprête à rouvrir dès le mois d’octobre des stations balnéaires comme Hua Hin ou Pattaya, ainsi que la ville culturelle de Chiang Mai. Tour Asia, célèbre tour-opérateur helvétique, nous résume ici les conditions actuelle d’entrée des divers plans touristiques envisagés.
Publicités
Phuket Sandbox
Dans le cadre du Phuket Sandbox, l’isolement à l’hôtel n’est plus nécessaire que le temps d’obtenir le résultat du test RT-PCR. Il n’est plus nécessaire de séjourner dans le cadre d’un voyage organisé. La réservation d’hôtel doit être effectuée dans un hôtel SHA Plus ou un hôtel alternatif de quarantaine (AQ).
Deux tests PCR (un à l’arrivée et un au 6e jour) sont requis, trois dans le cas d’un séjour plus long (le troisième au 12e jour). Dès le 8e jour, il est possible d’aller sur Krabi (Koh Phi Phi, Koh Ngla ou Railay), Phannga (Khao Lak ou Ko Yao) ou Surat Tani (Samui, Koh Phangan ou Koh Tao). La poursuite du voyage au-delà de 14 jours est possible moyennant un test PCR négatif.
Trois jours d’isolement sont requis et le séjour doit s’effectuer dans le cadre d’un voyage organisé du 4e au 7e jour sur Koh Samui uniquement. Dès le 8e jour, il est possible d’aller soit sur Koh Phangan ou Koh Tao. Les sept premières nuits doivent s’effectuer dans le même hôtel alternatif de quarantaine. Dès le 8e jour, il est possible d’aller dans un hôtel SHA Plus. Deux tests sont requis (un à l’arrivée, le second le 6e ou le 7e jour). Dans le cas de séjours plus longs, un troisième est requis entre le 12e et le 13e jour. La prolongation au terme de 14 jours est possible moyennant un test PCR négatif.
Six jours d’isolement doivent être observés au début du séjour. Dès le 7e jour, le séjour doit s’effectuer dans le cadre d’un voyage organisé. Il n’est pas possible d’aller ailleurs avant 14 jours. Les sept premières nuits doivent s’effectuer dans un hôtel alternatif de quarantaine. Dès le 8e, il est possible d’aller dans un hôtel SHA Plus. Trois tests sont requis (arrivée, jours 6 et 13). La prolongation après 14 jours est possible moyennant un test PCR négatif.
Charming Chiang Mai
Pour Chiang Mai, seul le premier jour doit être passé en isolement. Le séjour doit s’effectuer dans le cadre d’un voyage organisé. Il n’est pas possible de se déplacer avant 14 jours. L’entier du séjour doit se faire auprès d’un hôtel SHA Plus. Deux tests sont requis pour cinq jours, trois pour 14 jours. La poursuite au-delà de 14 jours est possible moyennant un test PCR négatif.
Aucun jour d’isolement n’est requis, il faut juste attendre les résultats du test PCR à l’arrivée. Le séjour n’a pas besoin de s’effectuer dans le cadre d’un voyage organisé. Il n’est pas possible d’aller ailleurs avant 14 jours. L’entier du séjour doit se faire dans un hôtel SHA Plus. Trois tests sont requis au total (un à l’arrivée, un au 7e jour et le troisième au 13e jour). La poursuite du voyage au-delà de 14 jours est possible moyennant un test PCR négatif.
Conditions d’entrée pour les personnes vaccinées
Un Certificate of Entry, vols confirmés pour l’aller et le retour, séjour minimal de 14 nuitées dans un hôtel SHA+, confirmation de transfert vers l’hôtel SHA+, attestation d’assurance avec une couverture minimale de 100’000 francs, incluant les cas de Covid, certificat de vaccination complète (minimum 14 jours, maximum 1 an), pas de séjour dans un pays à risque dans les 21 jours précédant l’entrée en Thaïlande, test PCR négatif de maximum 72 heures avant le départ, trois tests PCR en Thaïlande et l’installation d’une application de traçage une fois sur place.
Publicités
Et d’autres destinations encore…
Dans le cadre de la deuxième phase du calendrier de réouverture du pays, en plus des destinations susmentionnées, le gouvernement royal thaïlandais a annoncé son intention de rouvrir également Bangkok, Phetchaburi et Prachuap Khiri Khan à partir du 1er octobre 2021.
Dans la déclaration officielle publiée le 9 septembre 2021, le porte-parole du gouvernement, M. Thanakorn Wangboonkongchana, a déclaré que les plans reflétaient la politique définie par le Premier ministre, le général putschiste Prayut Chan-o-cha, visant à rouvrir progressivement le pays par phases, après la première phase qui a rouvert Phuket, suivie par Surat Thani (Samui), puis Krabi et Phang-Nga au cours des deux derniers mois.
Cette réouverture en octobre sera lancée parallèlement aux nouvelles directives de « prévention universelle » du pays contre le Covid-19, pour lesquelles Bangkok, Chiang Mai, Chon Buri (Pattaya), Phetchaburi et Prachuap Khiri Khan se préparent, notamment en accélérant la vaccination de la population locale et en officialisant des campagnes touristiques telles que Bangkok Sandbox, Hua Hin Recharge et Charming Chiang Mai ».
À partir de la mi-octobre, 21 autres destinations à travers le pays rouvriront leurs portes. Il s’agit de Chiang Rai, Lamphun, Mae Hong Son, Nan, Phrae et Sukhothai au Nord; Bueng Kan, Nong Khai, Ubon Ratchathani et Udon Thani au nord-est ; Kanchanaburi et Ratchaburi à l’Ouest; Chanthaburi, Rayong et Trat à l’Est; Ayutthaya dans la région centrale et Nakhon Si Thammarat, Ranong, Satun, Songkhla et Trang au Sud.
La Thaïlande devrait procéder à la quatrième phase de réouverture en janvier 2022, avec la réouverture de 13 provinces frontalières dans le cadre de bulles de voyage avec les pays voisins.
Les quatre phases couvriront la réouverture de 43 provinces à travers la Thaïlande.
M. Thanakorn a également confirmé le succès du programme Phuket Sandbox au cours des deux derniers mois, qui a généré 1,6 millard de bahts de recettes touristiques pour un coût moyen des vacances des visiteurs de 61 894 bahts.
Parallèlement, le gouvernement royal thaïlandais prévoit également de stimuler le tourisme intérieur par le biais de deux campagnes de relance, Rao Thiao Duai Kan (Nous voyageons ensemble) et Tour Thiao Thai. Les inscriptions devraient être ouvertes ce mois-ci pour la période de voyage à partir d’octobre, début de la haute saison en Thaïlande.
La troisième phase de l’extension de la campagne « We Travel Together » subventionnera 40 % des tarifs des chambres d’hôtel ou des billets d’avion, ainsi qu’un bon électronique quotidien d’une valeur de 600 bahts. Dans le même temps, pour le stimulus Tour Thiao Thai, qui concerne les voyages organisés, le gouvernement subventionnera 40 % du paiement, soit jusqu’à 5 000 bahts par personne.
Publicités
On vous rappelle qu’il est également possible d’entrer en Thaïlande sans être vacciné en passant par la case Bangkok et en se soumettant à une quarantaine obligatoire. L’ambassade royale de Thaïlande en France vous donne toutes les indications du parcours du combattant qui vous attend.
Toutes ces solutions ne répondent hélas qu’à une infime proportion de la demande touristique habituelle ante covid. Puissent-elles n’être que les prémices d’une ouverture totale plus souple du Pays du Sourire dans le futur 😃
Vous avez peut-être déjà lu un entrefilet sur les nombreux rassemblements de protestation qui ont émaillé l’année 2020 en Thaïlande, et qui continuent en cette année 2021. Des manifestations organisées par la jeunesse estudiantine du pays qui ont rassemblé des dizaines de milliers de jeunes et qui se sont étendues à toutes les villes comptant des campus universitaires.
Amazing Thailand – Le Pays du Sourire. Voilà comment est présentée la Thaïlande par les autorités touristiques du pays. Il est vrai qu’un touriste étranger de passage n’a que faire des spasmes politiques du pays visité, ne se préoccupant que de son bien-être durant la durée du séjour. Malgré un régime démocratique sans cesse remis à l’ordre par des coups d’État militaires, la Thaïlande réussit à attirer des touristes par dizaines de millions (l’année 2020 faisant exception, le tourisme étant en crise durant la pandémie sanitaire). C’est dire que ces derniers font peu cas du type de régime politique en place, celui-ci leur assurant une pleine sécurité.
Néanmoins, il nous apparaît essentiel de tenter de comprendre ce qui motive la jeunesse éduquée du royaume à se rebeller contre l’autorité représentée par le gouvernement militaire au pouvoir. Des militaires – auteurs de nombreux coups d’État – qui n’ont pas brillé en matière économique ces 50 dernières années en comparaison régionale…
Une jeunesse qui se mobilise depuis plus d’un an, demandant sans relâche la démission du Premier ministre, Prayut Chan-o-cha, le général qui a fomenté le dernier coup d’État en date. Une jeunesse qui, pour la première fois et au grand étonnement – parfois réprobateur – de leurs aînés, ose critiquer ouvertement le roi (en l’honneur de qui des billets de banque commémoratifs ont été édités il y a peu).
En résumé, le mouvement estudiantin réclame la démission du Premier ministre, la réécriture de la Constitution thaïlandaise et la réforme de la monarchie. Des demandes qui ont amené plus de 40 militants à être inculpés en vertu de la loi de lèse-majesté pour avoir participé à des manifestations. Un mouvement soutenu notamment par les 5 finalistes du concours de Miss Grand Thailand, au premier rang desquelles la vainqueure, Nam.
Qui donc, mieux qu’Eugénie Mérieau, pouvait nous éclairer sur les raisons d’un mouvement de contestation qui ne faiblit pas ? Nous reproduisons ci-dessous son analyse éclairante sur la situation politique actuelle, publiée ce mois de janvier sur le site Le Monde Diplomatique1.
Elle revient sur les soubresauts historiques – parfois mortels – de cette contestation, sur le mouvement auquel dite contestation se réfère, sur la décision judiciaire qui a mis le feu aux poudres (la dissolution du parti Anakot Maï) et sur les revendications de cette jeunesse combattante (au sens politique du terme), elle qui noue des contacts avec son homologue hongkongaise. Sa conclusion est limpide : le tabou de la monarchie a sauté, et donc il n’est pas abusif d’affirmer que, quelle qu’en soit l’issue, ces manifestations ont déjà transformé en profondeur la politique thaïlandaise.
En Thaïlande, les jeunes face à la monarchie et l’armée1
La jeunesse thaïlandaise est dans la rue. Le 24 juin 2020, ils n’étaient qu’une petite cinquantaine à se retrouver au Monument de la démocratie, dans le centre de Bangkok, pour commémorer l’anniversaire de la révolution de 1932 ayant mis fin à la monarchie absolue dans ce qui s’appelait encore le « Siam », alors seul État indépendant d’Asie du Sud-Est. Trois mois plus tard, le 19 septembre, jour anniversaire du coup d’État militaire de 2006 qui mit un coup d’arrêt à la « transition démocratique », ils étaient plusieurs dizaines de milliers face au Palais royal.
La contestation actuelle s’inscrit dans la continuité du mouvement des « chemises rouges » (1), né en opposition à ce coup d’État — lequel appelait à « achever » la révolution de 1932 et à réhabiliter sa figure historique, Pridi Panomyong, juriste formé en France dans les années 1920, dans une IIIe République devenue le centre de formation des jeunes révolutionnaires de toute l’Asie. Mais, en 2010, ce mouvement est réprimé dans le sang : l’armée ouvre le feu sur les manifestants, en tuant quatre-vingt dix et en blessant près de deux mille, de quoi faire taire la contestation sociale.
Dix ans plus tard, les manifestants sont jeunes, voire très jeunes. En majorité lycéens et étudiants nés dans les années 2000, ils sont fans de K-pop, de Hunger Games et de Harry Potter, mais ils arborent aussi sur leurs tee-shirts le portrait de Somsak Jiemteerasakul, historien majeur, critique de la monarchie, né en 1958 et réfugié politique en France. S’ils n’ont pour la plupart que de vagues souvenirs de 2010, ils peuvent se prévaloir, en dépit de leur jeune âge, d’une déjà très riche expérience : deux coups d’État (2), quatre Constitutions (2006, 2007, 2014, 2017), la mort d’un roi — Bhumibol Adulyadej, en 2016, après soixante-dix ans de règne — et l’accession au trône de son successeur — Vajiralongkorn, couronné Rama X en 2019. Avec le soutien affiché d’une partie de leurs aînés, parents et professeurs, mais également d’anciennes « chemises rouges », ils réclament une réforme de la monarchie et une nouvelle Constitution.
Tout a commencé avec la dissolution du parti Nouvel Avenir (Anakot Maï) par la Cour constitutionnelle en février 2020. Ce dernier avait été fondé en mars 2018 par trois trentenaires : M. Thanathorn Jeungrungruangkit, l’héritier multimillionnaire d’une entreprise industrielle, M. Chaitawat Tulathon, éditeur de livres critiques à l’égard de la monarchie, et M. Piyabutr Saengkanokkul, professeur de droit public. Le parti participe à l’élection de mars 2019, la première depuis le dernier coup d’État militaire mené par le général Prayut Chan-o-cha. À la surprise générale, il obtient près de 20 % des suffrages, ce qui l’érige en troisième force politique du pays, après le parti politique des militaires et celui d’opposition des anciens premier ministres Thaksin Shinawatra et sa sœur Yingluck Shinawatra, renversés par les coups d’État de 2006 et 2014 respectivement. Au Parlement, où siègent cinq cents députés, les quatre-vingts élus de Nouvel Avenir — dont la première parlementaire trans de l’histoire du royaume — exigent la fin du service militaire et une réduction du budget de l’armée. Plus tabou encore, ils s’opposent frontalement aux décrets du roi, notamment au transfert d’une partie des effectifs militaires sous son commandement direct. Ces prises de position en rupture avec l’establishment militaro-monarchique, tandis que le premier parti d’opposition se mure dans le mutisme, leur gagnent de nombreuses faveurs, notamment parmi ceux qui veulent dépasser l’ancien clivage jaune-rouge (3) de leurs parents au sein duquel ils ne se reconnaissent pas.
Nouvel Avenir, au logo orange, s’était dès sa fondation engagé dans une stratégie « populiste de gauche », faisant le pari d’un dépassement des oppositions entre zones urbaines et rurales, entre classes moyennes et classes populaires, en désignant un ennemi commun : l’oligarchie militaro-monarchique. Cette stratégie, couronnée de succès, explique l’ampleur de la mobilisation actuelle. Après la dissolution du parti, alors que les dirigeants sont frappés d’une peine d’inéligibilité de dix ans, leurs électeurs et leurs soutiens partout dans le pays décident de réagir, bien que la crise du Covid-19 les empêche dans un premier temps de se rassembler. Le gouvernement décrète l’état d’urgence et impose même pour quelques semaines un couvre-feu à 23 heures.
C’est dans ces conditions qu’est annoncée, début juin 2020, la disparition de M. Wanchalerm Satsaksit, un militant de 32 ans proche des électeurs de Nouvel Avenir, qui s’était enfui au Cambodge après 2014, comme nombre de ses pairs. Que son meurtre ait été commandité par le régime ne fait que peu de doute : depuis 2016, plusieurs opposants en exil ont ainsi « disparu » avant que leur corps ne soit retrouvé flottant dans les eaux du Mékong, lesté de pierres à la place des entrailles.
Peut-on vraiment qualifier le système politique thaïlandais de « monarchie constitutionnelle » ? Certes, en 1932, le Siam adopte sa première Constitution. À l’issue d’un conflit entre les promoteurs de la révolution et le roi sur les prérogatives royales, ce dernier abdique en 1935. S’installe alors une période de régence, durant laquelle le pays se militarise puis entre dans la seconde guerre mondiale aux côtés du Japon… avant de se revendiquer vainqueur avec les Alliés. Non seulement la société siamoise échappe au sort japonais d’une démilitarisation forcée, mais les Américains soutiennent massivement l’armée dans le cadre de leur politique de containment (« endiguement ») anticommuniste dans la région. En 1958, après une prise de pouvoir par coup d’État, le général Sarit Thanarat s’inspire de de Gaulle pour se faire tailler une Constitution sur mesure incluant un article sur les pleins pouvoirs : l’« article 17 » sera utilisé pour réprimer les communistes, les républicains et les démocrates, décréter des exécutions sommaires et développer l’économie du pays.
Dans le même temps, le régime militaire s’emploie à faire renaître la monarchie de ses cendres et reprend en main le bouddhisme, monarchie et religion étant considérées comme les parfaits antidotes aux idées communistes. La stratégie se traduit par un relatif échec, les idées marxistes se diffusant massivement dans les villes et les campagnes tout au long des années 1960 et 1970, aboutissant en 1973 à une grande manifestation à Bangkok pour réclamer la démission des militaires du gouvernement. Ces derniers partiront en effet, abandonnés par une monarchie soucieuse de se réinventer en force prodémocratie.
Néanmoins, cette victoire des manifestants est de courte durée : en 1976, les milices paramilitaires proches du Palais massacrent les étudiants « marxistes » par dizaines, organisant des lynchages publics et des viols. Un épisode qui laisse un traumatisme béant dans la conscience collective des Thaïlandais, et qui signe le retour de l’armée en politique. Depuis 1976, malgré des flux et des reflux, l’armée et la monarchie conservent un rôle politique de premier plan.
Avec son accession au trône, le nouveau roi Vajiralongkorn donne une impulsion néo-absolutiste. Il s’approprie les « biens de la Couronne », financés par le budget de l’État et par des dividendes issus des grandes entreprises thaïlandaises — ce qui en fait le monarque le plus riche du monde (4). Il s’octroie le pouvoir de nomination du chef de l’Église bouddhique, et place une partie de l’armée sous son commandement direct. Il demande également à ce que soit révisée la Constitution adoptée par référendum, pour que soit supprimée la nécessité d’une régence en cas d’absence du royaume. Et pour cause : il a passé la majorité de son début de règne hors du pays, dans une immense villa en Bavière.
Pas étonnant que, le 26 octobre 2020, les manifestants décident de marcher jusqu’à l’ambassade d’Allemagne ; ils exigent, par une lettre remise à l’ambassadeur, que Berlin fasse toute la lumière sur les agissements du roi dans sa villa bavaroise. Attaqué, Vajiralongkorn se résout à repousser son départ pour orchestrer une campagne de communication visant à se construire une image de monarque populaire. Plusieurs manifestations royales sont organisées, au cours desquelles il se rend au contact de ses sujets agenouillés. À certains d’entre eux, il fait passer des messages politiques, soigneusement enregistrés sur iPhone et diffusés sur les réseaux sociaux comme « images volées ». Il s’adresse ainsi à Buddha Issara, un moine ultranationaliste faisant l’apologie de la violence contre les antiroyalistes, lui renouvelant son soutien. À un quidam qui avait organisé une contre-manifestation proroyaliste, il déclare : « Quel courage, quelle bravoure, merci bien », triptyque vite devenu un mème dans les manifestations, et l’instrument d’incessantes moqueries sur le Web.
À un journaliste de CNN (5) l’interrogeant au cours d’un de ces bains de foule sur ce qu’il avait à dire « aux jeunes qui manifestent », il répond : « Nous les aimons tout autant. » Et à la question « Y a-t-il une place pour le compromis ? », il assure tout sourire : « La Thaïlande est la terre des compromis. »
Il peut, en effet, se targuer d’en avoir réalisés : en 2017, il ordonne un moratoire sur la loi de lèse-majesté, immédiatement appliquée par la police, l’armée et la justice. Plus de doute pour savoir qui, de l’armée ou du roi, « commande » : le régime militaire est sous commandement royal. C’est la raison pour laquelle les jeunes Thaïlandais adressent leurs revendications directement à Vajiralongkorn plutôt qu’au premier ministre, le général Prayut, perçu comme son intermédiaire.
Ils demandent notamment le retour au régime de séparation entre les biens de la Couronne et les biens personnels du roi. Le 14 octobre 2020, lorsqu’un convoi royal passe à proximité des manifestants, ces derniers ne se prosternent pas devant la reine, comme le veut la tradition, mais chantent : « Mes impôts, mes impôts, rendez-moi mes impôts. » Le budget annuel alloué à la monarchie s’élève à environ 1 milliard d’euros pour 2020, plus quelques milliards répartis entre les ministères pour l’organisation des cérémonies royales, la mise en œuvre des projets royaux, l’achat et l’entretien des avions royaux, la protection royale, etc. Et si ce budget servait à financer un État social ? Dans les manifestations, les participants sont donc invités à choisir quelle réallocation leur paraîtrait la plus appropriée : congé parental, sécurité sociale, retraites… Certains militent en faveur d’un revenu de base universel pour les jeunes, une proposition également portée par le Nouvel Avenir.
Si cette contestation s’inscrit dans la continuité du mouvement des « chemises rouges », elle s’en éloigne par ses nombreuses revendications sociétales, son rejet des hiérarchies et de l’autorité. Et il n’y a pas de leaders désignés.
Eugénie Mérieau
Mais la contestation porte sur tous les aspects de la société, et en particulier contre la « culture de l’autoritarisme » : contre la cérémonie du wai khru, au cours de laquelle écoliers, collégiens et lycéens se prosternent aux pieds de leurs professeurs pour leur rendre hommage, contre le port de l’uniforme, contre la coupe de cheveux exigée à l’école, contre le service militaire, contre le harcèlement sexuel, pour l’avortement, pour les droits LGBT. La figure de proue des manifestants, Mme Panusaya « Rung » Sithijirawattanakul, 22 ans, désignée par la British Broadcasting Corporation (BBC) comme l’une des « 100 femmes les plus influentes (6) » du monde cette année, avait été l’une des premières à dénoncer, en 2019, les violences sexuelles au sein du mouvement des étudiants du parti Dome Revolution à la prestigieuse université Thammasat (l’AFP vous la présente dans cet article). Si cette contestation s’inscrit dans la continuité du mouvement des « chemises rouges », elle s’en éloigne donc par ses nombreuses revendications sociétales, son rejet des hiérarchies et de l’autorité. Et il n’y a pas de leaders désignés.
Les manifestants ont également innové dans les techniques de mobilisation. Les « chemises rouges » se rassemblaient les week-ends, organisant d’immenses manifestations dans des stades, au cours desquelles se succédaient discours, concerts, shows comiques, karaokés, spectacles de drag queen et danses, pendant de longues heures voire des semaines — pour se transformer parfois en campements de longue durée. La nouvelle génération reprend ce côté festival-campement, pour des manifestations impressionnantes de professionnalisme : scènes sécurisées, système sonique ultraperformant, camions Internet déployés pour offrir du signal 4G aux manifestants en cas de coupure, drones de surveillance.
Leur financement participatif doit beaucoup, comme en 2010, aux célébrités et à de riches femmes et hommes d’affaires mais surtout, ils comptent désormais une force dotée de superpouvoirs sur Internet : l’ « armée » de la K-pop thaïlandaise.
Les manifestants tournent leur regard vers Hongkong, d’où ils importent des techniques de flash mob, moins coûteuses, se caractérisant par des manifestations quotidiennes et mobiles, l’usage de parapluies et de lasers, et dernièrement, de canards jaunes gonflables. Cette circulation de techniques entre Hongkong et Bangkok s’accompagne d’un développement de solidarités au sein de la Milk Tea Alliance, l’alliance des « pays qui boivent du thé au lait », contre la Chine et ce qu’elle représente de verrouillage de la liberté d’expression. M. Joshua Wong, l’une des figures de la contestation hongkongaise, s’est même piqué d’une lettre à l’entreprise américaine NonLethal Technologies, qui fabrique les grenades lacrymogènes utilisées dans les deux villes, signée des manifestants thaïlandais et hongkongais.
Jusqu’à présent, le pouvoir militaire thaïlandais a fait preuve d’une certaine retenue face aux manifestants, qui contraste avec la brutalité de la répression en 2010 : gaz lacrymogènes et canons à eau à deux reprises au cours de ces longs mois de manifestations quasi quotidiennes. Cela ne tient pas à la nature du régime — démocratie civile alors, contre régime militaire semi-démocratique aujourd’hui —, mais davantage au statut social des manifestants. En 2010, les « chemises rouges » tuées à balles réelles par l’armée étaient appelées péjorativement « buffles rouges » : il s’agissait de provinciaux, à la peau foncée, considérés comme illettrés, moqués pour leur accoutrement et leurs manières, traités de communistes, de révolutionnaires et de terroristes. Aujourd’hui, les manifestants sont majoritairement de jeunes urbains, clairs de peau, instruits, en uniforme immaculé, souvent sino-thaïs, des Bangkokiens de la classe moyenne. Tire-t-on sur ses propres enfants ?
Toutefois, plusieurs sources confirment que le régime incite les militaires et policiers à passer l’habit jaune royaliste pour participer à des contre-manifestations, intimider et éventuellement générer des affrontements. Jusqu’alors, cette tactique a été vaine : les royalistes peinent à recruter, et, quand ils y parviennent, c’est davantage en souvenir de l’ancien roi Bhumibol qu’en soutien au régime actuel.
Le tabou de la monarchie a sauté. Quelle qu’en soit l’issue, ces manifestations ont déjà transformé en profondeur la politique thaïlandaise
Eugénie Mérieau
Contrairement à 2010, le dialogue ne semble pas impossible. Dans les émissions de débat télévisé, comme la quotidienne « Tham trong » (« question directe »), les invités des deux camps débattent sans (forcément) finir par s’insulter, telle l’émission du 27 novembre sur les finances de la monarchie, qui affiche près d’un million et demi de vues sur YouTube.
Comme Mme Carrie Lam, cheffe de l’exécutif à Hongkong, M. Prayut table sur un essoufflement du mouvement à la faveur de l’arrestation de personnes considérées comme « leaders ». Néanmoins, les juges thaïlandais, notamment dans les cours de première instance, n’ont pas tellement coopéré, se montrant bien plus indulgents à l’égard de ces jeunes qu’ils ne l’avaient été face aux « chemises rouges ». Alors que « Rung » et d’autres figures du mouvement étaient arrêtées pour organisation de manifestation non autorisée, les juges les ont libérées sous caution, après quelques jours de détention provisoire. C’est sans doute la raison pour laquelle le régime, probablement sur ordre du roi, a décidé de rétablir la loi de lèse-majesté. Contre toute attente, les manifestants accusés de lèse-majesté depuis le 30 novembre dernier n’ont pas été placés en détention provisoire. La défection d’une partie des juges est, faut-il le rappeler, un signe précoce de l’imminence d’un changement de régime.
Dans tous les cas, le tabou de la monarchie a sauté, et donc il n’est pas abusif d’affirmer que, quelle qu’en soit l’issue, ces manifestations ont déjà transformé en profondeur la politique thaïlandaise. Les anciens laisseront la place à cette nouvelle génération, qui ne croit ni en l’armée ni en la monarchie. Comme l’un des mots d’ordre des manifestants le dit clairement : « Vous avez voulu déconner avec la mauvaise génération… cela va devoir s’arrêter avec notre génération. »
Bien que vous puissiez lire aujourd’hui cet article dans son intégralité, nous vous invitons à soutenir Le Monde Diplomatique, le journal qui l’a initialement publié. N’hésitez pas à vous y abonner !
Qui est Eugénie Mérieau ?
On se lasse de tout, excepté d’apprendre ! Nul doute qu’Eugénie Mérieau s’est fait sienne cette devise chère à Virgile. Elle est en effet au bénéfice d’une triple formation universitaire : en sciences politiques (Sciences-Po), en droit (Sorbonne) et en langues et civilisations orientales (Inalco).
Après quoi elle a rejoint la chaire de constitutionnalisme comparé à l’université de Göttingen, en Allemagne. Chercheure invitée post-doctorale à l’Institut pour le droit et la politique mondiale (IGLP, faculté de droit de Harvard), elle est actuellement boursière post-doctorale au Centre for Asian Legal Studies (CALS, NUS – Université nationale de Singapour).
Elle a aussi enseigné à l’université Thammasat, à Bangkok. Le Dr Eugénie Mérieau est également chercheure associée au Centre de recherche internationale de Sciences Po Paris, à l’Institut d’Asie orientale de l’ENS Lyon et à l’Institut de recherche sur l’Asie du Sud-Est contemporaine de l’IRASEC, à Bangkok (tous trois dépendant du Centre national de la recherche scientifique, CNRS).
Vous aurez deviné à travers son analyse que parallèlement à sa carrière universitaire, elle participe également à des activités de défense des droits de l’homme.
Parlant le thaï, elle a également animé une émission sur la chaîne Voice TV, Diva Cafe. À Bangkok, on se souvient encore des concerts qu’elle a donnés sous le nom de Blue Randôme.
Cette experte de la Thaïlande est régulièrement interviewée sur ce pays qu’elle affectionne. Ainsi, vous pouvez revoir l’entretien accordé à l’excellent média indépendant Asialyst, Le populisme de Thaksin Shinawatra où elle rappelle que « Thaksin reste l’homme qui divise la Thaïlande » :
Précédemment, RFI avait consacré un débat entre Eugénie Mérieau et Hughes Tertrais. Sous la conduite de la journaliste Marie-France Chatin, la politologue et l’historien répondait tous deux à la question « Où va la Thaïlande ? ». C’était à l’occasion des élections législatives du 24 mars 2019 en Thaïlande, les premières depuis le coup d’Etat du 22 mai 2014 qui a placé le pays et ses 69 millions d’habitants sous la poigne des généraux. Écoutez donc le podcast de l’émission.
In fine et toujours sur RFI, Eugénie Mérieau est revenue sur les origines des manifestations. Un utile complément radiophonique à son article reproduit ci-dessus que vous pouvez écouter sur YouTube. Cette fine connaisseuse du royaume de Thaïlande peut aussi être écoutée sur France Culture où elle a participé à plusieurs émissions.
Vous avez sans doute déjà entendu parler du réalisateur Apichatpong Weerasethakul, Palme d’Or à Cannes en 2010 pour son film Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures. Il vit à Chiang Mai et met la dernière main à son prochain film, Memoria. En 2016, Apichatpong « Joe » avait d’ailleurs fait l’objet d’une rétrospective multimédia (The Serenity of Madness – Sérénité de la folie) – à l’occasion de l’ouverture du MAIIAM, un musée d’art contemporain de classe internationale sis à Sankhampaeng, à l’est de Chiang Mai.
L’interview que nous offre Télérama nous permet de saisir les changements profonds que soulève la contestation estudiantine de la jeunesse thaïlandaise. Apichatpong se pose en observateur – et soutien – du processus de désobéissance en cours. Il note que les étudiants bousculent de manière inédite une société bouddhiste très hiérarchisée, remettant en cause les liens entre les grandes familles, la richesse et le pouvoir, en parlant de sujets tabous. Et ce n’est pas du cinéma !
C’est le genre de lecture qui nous permet de mieux comprendre le processus sociétal en cours. Lisez donc son interview sur Télérama.
Les étudiants thaïlandais face au triangle Armée-Constitution-Royauté C’est là une autre intervention académique dont nous conseillons la lecture. Composée en été 2020, avant les grands rassemblement du quatrième trimestre, c’est le fruit d’une réflexion proposée par Mme Marie-Sybille de Vienne, professeur à l’ Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco).
1. La révocation de l’article 6 de la Constitution de 2017, qui rappelle la position de vénération dans laquelle doit être tenu le souverain; 2. La révocation de l’article 112 du code pénal relatif au crime de lèse-majesté; 3. La révocation du Crown Property Act de 2018, libérant le Crown Property Bureau (CPB) de la tutelle du ministère des Finances et faisant de ses actifs la propriété du roi (et non plus de la Couronne), au titre de sa fonction; 4. L’établissement de l’allocation budgétaire du souverain en fonction du contexte économique; 5. La suppression des agences sous commandement du roi; 6. La suppression des dons des et aux fondations royales; 7. L’abolition de l’inviolabilité du souverain (article 6); 8- L’arrêt de la célébration de la monarchie dans les administrations publiques et l’éducation; 9. L’ouverture d’une enquête sur les morts de personnes ayant critiqué ou ayant eu des relations avec la Couronne; 10. Le non-entérinement des coups d’État par le roi.
Retrouvez l’article complet en lecture gratuite sur le site The Conversation (à soutenir donc).
ARTE Regards – Vers un printemps thaïlandais ?
L’on vous propose bien à propos ce reportage diffusé sur Arte et visible jusqu’au 3 février 2021.
En voici la présentation : Ils sont des dizaines à avoir quitté leur pays sous peine d’être emprisonnés ou assassinés. Depuis le coup d’État de 2014, un nombre grandissant de Thaïlandais dissidents sont contraints à l’exil alors que le pays s’enfonce dans une dictature militaire. Qu’ils vivent à Paris, à Berlin ou Helsinki, ils sont toujours régulièrement menacés de mort.
Publicités
Manifestations au fil de l’année 2020…
À travers notre page Facebook, nous vous avons régulièrement tenu informé.e des manifestations organisées tant à Chiang Mai qu’à Bangkok, et ailleurs encore. Retour en arrière avec quelques publications (d’utiles compléments se trouvent dans les commentaires de chacune d’elles) : • 06.03.2020 : une des premières flash mob organisée à la CMU (l’Université de Chiang Mai) • 18.07.2020 : en direct de Bangkok où des milliers de manifestants s’étaient alors réunis, en plein état d’urgence (une vidéo supprimée entre-temps mais un extrait est encore visible ici) ! • 20.07.2020 : la manifestation organisée en écho ici à Chiang Mai, porte Thapae • 25.07.2020 : malgré la prolongation de l’état d’urgence, les aspirations démocratiques de la jeunesse du royaume ne tarissent pas • 16.08.2020 : les manifestations continues de plus belle à Bangkok • 19.09.2020 : le 19 septembre, jour ô combien symbolique, est le jour qui a été fixé pour une nouvelle manifestation de grande ampleur : une journée de mobilisation à l’université Thammasat, à Bangkok, lieu de sinistre mémoire… • 14.10.2020 : autre grande manifestation antigouvernementale à Bangkok en cette Journée de la Démocratie • 16.10.2020 : nouvel affront pour Prayut à Bangkok • 17.11.2020 : et Chiang Mai qui continue de répondre par de nouvelles manifestations • 17.11.2020 : le choc des photos alors que la répression policière envers les manifestants se durcit
Et l’année 2021 voit continuer ces manifestations en Thaïlande ! Sans parler du putsch opéré début février par les militaires de Birmanie, un coup d’état contesté dans la rue. Alors que Hong Kong voit sa démocratie se mourir…
Des modes d’action novateurs au geste aux trois doigts levés, les mouvements prodémocratie de l’Asie du Sud-Est s’inspirent les uns des autres, malgré des motivations différentes à leur origine. Lisez l’analyse de Carol Isoux qu’a publiée Libération : À Rangoun, Hongkong et Bangkok, les méthodes s’assimilent.
Loi sur le crime de lèse-majesté
Bien qu’elle soit décriée, c’est sur la base de cette loi qu’une Thaïlandaise a été condamnée cette semaine à pas moins de 43 ans de prison pour avoir insulté la famille royale, la plus lourde peine jamais enregistrée dans le royaume pour crime de lèse-majesté. Prénommée Anchan, cette fonctionnaire de 63 ans était naguère proche du réseau DJ Banpodj, un podcast politique qui s’en prenait à la monarchie. Son principal instigateur, Hassadin U., 64 ans, a d’ailleurs été condamné à 20 ans de prison. En 2017, un homme avait été condamné à 35 ans d’emprisonnement pour une série de publications et de commentaires sur Facebook. Dans un reportage radio, RTS Info revient sur le dernier de ces tristes dénouements judiciaires.
Comme nous l’a rappelé Eugénie Mérieau, l’abolition de cet article pénal est l’une des principales revendications du mouvement mené par la jeunesse protestataire.
Article 112. Quiconque diffame, insulte ou menace le roi, la reine, le prince héritier ou le régent, est puni d’un emprisonnement de trois à quinze ans.
C’est précisément cet article du Code pénal thaïlandais que les jeunes, et avec eux les organisations de défense des droits humains, veulent voir être aboli.
Les étudiants ne sont pas les seuls à dénoncer l’iniquité de cette loi. Beaucoup d’ONG constatent que le gouvernement abuse de l’article 112 afin de limiter la liberté d’expression, un droit de l’homme inaliénable. Le rapport annuel d’Amnesty International sur la Thaïlande le mentionne à chaque fois. Et Amnesty de regretter que la Thaïlande soit toujours un État non abolitionniste pour ce qui a trait à la peine de mort, toujours inscrite dans la législation du pays (voir l’extrait du Code pénal ci-dessous).
L’ONG Thai Lawyers for Human Rights (TLHR) – qui a défendu Anchan – nous rappelle que l’article 112 du Code pénal thaïlandais (« lèse-majesté ») avait été suspendu près de 2 ans – à la demande de S.M. le roi Vajiralongkorn – depuis sa dernière application en 2018. Un article appliqué à nouveau afin de poursuivre les manifestants, les utilisateurs en ligne et tout individu dont les paroles et les actes sont considérés comme une diffamation envers la famille royale thaïlandaise.
Thai Lawyers a d’ailleurs dressé une liste précise des dénonciations pénales en lien avec cet article controversé : du 24 novembre au 17 décembre 2020, au moins 33 individus dans 20 procès ont été accusés de « lèse-majesté ». Parmi ces personnes figurent un mineur et des étudiants universitaires. Pour prendre réellement conscience des abus possibles de la part des autorités, sachez que parmi ces cas, la publication sur Facebook du message « Très courageux. Très bien. Merci » a été considéré comme une diffamation royale !
L’exposition « 112 the Exhibition » à Bangkok dénonce subtilement les abus du pouvoir en matière de lèse-majesté en Thaïlande. Elle est le fruit de l’artiste de rue thaïlandais connu sous le nom de « Headache Stencil ». Le Petit journal vous en parle.
Infractions relatives à la sûreté du royaume Chapitre 1 – Infractions contre le roi, la reine, le prince héritier et le régent
Article 107. Quiconque, assassinant le roi à mort, est puni de mort. Quiconque tentera de commettre l’acte susmentionné sera puni de la même manière. Quiconque, faisant un acte quelconque en vue de préparer l’assassinat du roi ou sachant qu’il y a la personne qui va assassiner le roi, ayant fait un acte quelconque pour aider à garder l’acte secret, sera puni de la prison à vie.
Article 108. Quiconque, commettant un acte de violence contre le roi ou sa liberté, sera puni de la peine de mort ou de la réclusion à perpétuité. Quiconque tente de commettre une telle infraction est passible de la même peine. Si cet acte est susceptible de mettre sa vie en danger, l’auteur sera puni de la peine de mort. Quiconque se prépare à commettre un acte de violence contre le roi ou sa liberté, ou accomplit un acte quelconque pour aider à garder le secret sur l’intention de commettre un tel délit, sera puni d’une peine d’emprisonnement de seize à vingt ans.
Article 109. Quiconque cause la mort de la reine, du prince héritier ou du régent est puni de mort. Quiconque tente de commettre un tel délit est passible de la même peine. Quiconque prépare la mort de la reine, du prince héritier ou du régent, ou accomplit tout acte pour aider à garder le secret sur l’intention de commettre un tel délit, sera puni d’une peine d’emprisonnement de douze à vingt ans.
Article 110. Quiconque commet un acte de violence contre la reine ou sa liberté, le prince héritier ou sa liberté, ou le régent ou sa liberté, est puni d’un emprisonnement à vie ou d’un emprisonnement de seize à vingt ans. Quiconque tente de commettre une telle infraction est passible de la même peine. Si cet acte est susceptible de mettre en danger la vie de la reine, du prince héritier ou du régent, l’auteur de l’infraction sera puni de la peine de mort ou d’une peine d’emprisonnement à perpétuité. Quiconque se prépare à commettre un acte de violence contre la reine ou sa liberté, le prince héritier ou sa liberté, ou le régent ou sa liberté, ou accomplit tout acte pour aider à garder secret l’intention de commettre un tel délit, sera puni d’une peine d’emprisonnement de douze à vingt ans.
Article 111. Quiconque apporte son soutien à la commission d’une infraction visée aux articles 107 à 110 est puni de la même manière que le responsable de cette infraction.
Article 112. Quiconque diffame, insulte ou menace le roi, la reine, le prince héritier ou le régent, est puni d’un emprisonnement de trois à quinze ans.
Épine dans le pied du pouvoir thaïlandais en ce début d’année 2021, le populaire militant Arnon a été nommé comme l’un des leaders émergents du monde par le magazine TIME (TIME100 next 2021).
Le magazine américain relève qu’Arnon Nampa a un comportement modeste et un penchant pour s’habiller comme Harry Potter. Ce qui n’empêche pas cet avocat des droits de l’homme de faire trembler l’establishment de son pays. La Thaïlande est le plus ancien allié des États-Unis en Asie et a servi de rempart contre des voisins plus autoritaires, mais sa démocratie s’est érodée au fur et à mesure que les liens avec la Chine s’épanouissaient. Arnon a donné de l’énergie aux jeunes Thaïlandais en réclamant que le pouvoir politique soit retiré à la sacro-sainte famille royale et que la constitution rédigée par les militaires soit mise en pièces. En conséquence, il a été arrêté à trois reprises ces derniers mois et accusé de sédition (à l’heure où nous écrivons, il est encore incarcéré). Mais alors que le Covid-19 continue d’avoir un impact sur l’économie thaïlandaise qui dépend du tourisme, de plus en plus de jeunes se sont joints aux manifestations qui sont déjà les plus importantes depuis le coup d’état de 2014 – qui, selon les experts, met la pression sur le gouvernement militaire. « Les gens en ont assez de vivre sous un régime répressif », a-t-il déclaré au TIME à la fin de l’année dernière.
Nous vous avons déjà parlé de sa thèse de doctorat qui n’intéressera cependant pas celles et ceux attirés par les seules jouissances balnéaires qu’offre le pays ! Une thèse que vous pouvez acheter en version brochée ou alors lire gratuitement en version électronique.
Outre ce travail académique, nous avons sélectionné deux ouvrages qui devraient intéresser toute personne désirant voyager intelligemment au Pays du Sourire. N’hésitez pas à les commander chez votre libraire préféré (les liens renvoient à leur présentation sur Amazon).
Souvent plus connue pour ses plages et son tourisme sexuel, la Thaïlande peine à se débarrasser des clichés, souvent sulfureux, qu’on lui accole : Triangle d’or et plaque tournante de la drogue, paradis des lesbiennes, gays et transgenres, royaume d’opérette, et, sur le terrain économique, le fameux Tigre asiatique ! Précis, concis et très documenté, cet ouvrage est une excellente introduction à ce pays, son histoire et ses habitants. Le meilleur moyen de dépasser ses idées reçues !
Commandez-le chez votre libraire préféré ou sur Amazon.
Terre de paradoxes assumés, la Thaïlande, Pays du Sourire, se rit des contradictions qui la fondent comme elle se joue des contrastes qui l’habillent. Lors de son arrivée au royaume de Thaïlande, tout voyageur est frappé de constater l’apparente liberté dont jouissent les Thaïlandais – pourtant sous le joug d’une dictature militaire. Mais derrière son vernis pastel de carte postale se découvre la réalité de la misère, des bordels et de la corruption. Autour de Bangkok, la mégalopole folle, la Thaïlande rurale continue à cultiver ses rizières en escalier. Ces deux Thaïlande qui se font face, l’une rurale, l’autre urbaine, n’en sont pas moins unies par un impétueux sentiment national : la khwampenthai (la « thaïtude ») définit les contours de l’identité nationale grâce au motto Nation, Religion, Monarchie. Ministre, féministe, chauffeur de taxi ou révolutionnaire…, ils nous racontent ici leur vie, leur Thaïlande.
Éric Deseut nous parle de cet essai convainquant dans Le Petit Journal. Quant à Bernard Formoso, autre grand spécialiste de la Thaïlande et plus généralement de l’Asie, il se montre plus circonspect dans sa critique.
Commandez cet ouvrage chez votre libraire préféré ou sur Amazon.
Depuis la fin de l’année dernière, les jeunes contestataires ont mis un frein à leurs manifestations publiques de grande ampleur. Néanmoins, le mouvement continue de bouillonner, quelque peu réfréné par la récente flambée de contaminations dans le cadre de la pandémie sanitaire autour de la capitale (un sujet qui accapare les esprits en raison du bombardement médiatique quotidien alors que d’autres fléaux sanitaires continuent leurs ravages, en sourdine, à l’image du SIDA, du tabac ou encore de la dengue, sans parler des accidents de la circulation).
Si vous êtes arrivé.e jusqu’au terme de cet article, c’est que la Thaïlande vous intéresse vraiment. À travers les lectures que nous vous proposons, vous serez alors armé.e d’un regard critique bienvenu vous permettant d’aller au-delà de l’image idyllique véhiculée par l’Office du tourisme. Et sans doute que vous apprécierez alors d’autant plus ce pays fascinant aux multiples facettes, certaines peu reluisantes, il est vrai. Bienvenue en Thaïlande !
1 Une analyse publiée avec la fort aimable autorisation de son auteure que nous remercions encore une fois ici 🙏 Nous de disposons hélas pas des notes de bas de page de l’article original; veuillez nous en excuser. Nous sommes par ailleurs responsables du choix des illustrations qui accompagnent le texte.
Tout le monde vous répondra en chœur : Chiang Mai. Et bien « tout le monde » se trompe puisque la Rose du Nord ne vient qu’en 16e position au classement des villes les plus polluées du royaume ! Analysons donc brièvement cet insane palmarès1.
On vous parle aujourd’hui de pollution, et seulement de pollution de l’air, en nous basant sur les données des particules fines, les fameux PM2,5. Dressant le portrait de la Thaïlande polluée au sein d’un monde pollué, nous nous attarderons ensuite sur la pollution des villes siamoises en vous donnant quelques éléments techniques en fin d’article. Occasion de vous rappeler que la pollution de l’air constitue le risque environnemental le plus pressant pour la santé de la population mondiale (des estimations imputent près de 7 millions de décès prématurés par an à la pollution atmosphérique). Une pollution qui peut certes incommoder le touriste de passage mais qui a un effet délétère sur la population qui la subit au quotidien.
Publicités
La Thaïlande, un pays pollué ?
Avant de nous pencher sur les villes les plus polluées de Thaïlande, découvrons ce qu’il en est du pays tout entier, comparé aux nations du globe. Il s’agit du classement IQAir par concentration moyenne de PM2,5 (μg/m3, voir ci-dessous), pondérée par la population. La Thaïlande n’est pas l’Inde, sous-continent où sont concentrées 6 des 10 villes les plus polluées du monde ! Sur 98 pays classés en 2019, la Thaïlande se situe au 28e rang mondial des pays les plus pollués. Il y a donc 27 pays qui sont plus pollués qu’elle (et par conséquent 70 pays qui offrent une pollution de l’air moindre).
Comme vous le montre la carte mondiale ci-dessus, comparée aux pays européens, la Thaïlande dans son ensemble est un pays beaucoup plus pollué. En revanche, en comparaison asiatique, elle s’en tire plutôt bien (si l’on peut s’exprimer ainsi). En utilisant une moyenne pondérée de la population, les 5 pays les plus pollués au monde – tous asiatiques – sont, dans l’ordre, le Bangladesh et ses 166 millions d’habitants (avec une concentration de PM2,5 de 83 μg/m3, dans le rouge), le Pakistan, la Mongolie, l’Afghanistan et l’Inde où ses 1,3 milliards d’habitants doivent supporter une concentration de 58 μg/m3, dans le rouge elle aussi !
😷 91% de la population mondiale vit dans des zones où la pollution de l’air dépasse les limites fixées par l’OMS !
Sur la base des données de l’année 2019, la Thaïlande est donc au 28e rang mondial des pays les plus pollués avec une concentration de PM2,5 de 24 μg/m3 en moyenne annuelle, un nombre qui se situe dans le jaune (il correspond à un indice de la qualité de l’air (IQA, AQI en anglais) de 76). Pour le dire autrement, la concentration en particules PM2,5 en Thaïlande était plus de deux fois au-dessus des recommandations d’exposition de l’OMS (10 μg/m3 au maximum). L’année précédente, en 2018 donc, la concentration était supérieure, 26 μg/m3 en moyenne. L’on doit donc noter une très légère amélioration mais sans vraiment s’en réjouir.
Et les pays de l’ASEAN ?
Les 30 villes les plus polluées du monde en 2019 se trouvent toutes en Asie. À l’échelle régionale, l’Asie du Sud-Est fait partie des régions les plus touchées par la pollution par les particules fines (PM2,5).
Si l’on compare le classement des pays de l’ASEAN, la Thaïlande fait mieux que l’Indonésie (6e rang mondial avec une concentration de 52 μg/m3), le Vietnam (15e rang mondial avec 34 μg/m3) et le Myanmar (20e rang mondial avec 31 μg/m3). En revanche, le Pays du Sourire est plus pollué que le Laos (34e rang mondial avec 23 μg/m3), le Cambodge (41e rang mondial avec 21 μg/m3), la Malaisie (50e rang mondial avec 19 μg/m3), Singapour (52e rang mondial avec 19 μg/m3 également) et les Philippines, pays le moins pollué de la région (57e rang mondial avec 17 μg/m3). Notez que l’ensemble de ces pays est dans le jaune, exception faite de l’Indonésie, pays le plus pollué de l’ASEAN qui, avec sa concentration de 52 μg/m3, est dans l’orange.
En 2019, seules 3,2 % des villes régionales du Sud-Est asiatique ont atteint l’objectif de l’OMS en matière de PM2,5. La ville la moins polluée de la région est Calamba, aux Philippines (avec une concentration de 4 μg/m3 seulement). Et c’est Tangerang du Sud, une ville d’Indonésie située à moins de 20 km à l’ouest de Jakarta, la capitale, qui détient la palme peu enviable de la ville la plus polluée d’Asie du Sud-Est; sa concentration de PM2,5, dans le rouge, a été de 81 μg/m3 en moyenne.
La carte résume visuellement la situation au niveau mondial. Anecdotiquement, sachez que les 385 000 habitants des Bahamas sont ceux qui respirent l’air le moins pollué de la planète, avec une concentration de PM2,5 qui est dans le vert, à seulement 14 μg/m3.
Ci-dessus, le tableau de l’indice de la qualité de l’air selon l’IQA US. À ne pas confondre avec la concentrations de particules PM2,5 exprimée en micron-grammes (μg) par m3 :
PROGRÈS. Le gouvernement thaïlandais a mis en place un important réseau de stations de surveillance de la qualité de l’air, ajoutant 15 nouvelles stations en 2019. Cependant, la majorité (76 %) des stations de surveillance à l’échelle nationale sont fournies par des organismes non gouvernementaux. En dehors des États-Unis, il s’agit du plus grand réseau de stations de surveillance à faible coût financées par la communauté. La publication et l’engagement autour de ces données ont contribué à susciter un dialogue national sur la qualité de l’air et à sensibiliser le public à cette question.
DÉFIS. Une grande partie de la pollution de l’air en Thaïlande est saisonnière, la pollution atteignant son maximum pendant la saison sèche, de décembre à avril. Les principales sources d’émissions dans les zones métropolitaines telles que Bangkok comprennent les transports, les usines et la construction inefficaces et alimentés au diesel, de même que les impacts saisonniers des provinces et pays voisins, tandis que les régions agricoles sont plus exposées à la pollution provenant de l’agriculture à ciel ouvert et de la combustion des déchets. La Thaïlande a connu plusieurs épisodes de pollution de l’air très médiatisés en 2019. En janvier, des centaines d’écoles ont été fermées à Bangkok pour limiter l’exposition à l’air pollué. En mars et avril, la région nord a connu une intense pollution de l’air, notamment à Chiang Mai et alentour.
En dehors de la pollution de l’air, la Thaïlande, qui est passée en quelques décennies du stade de pays en développement (on parlait naguère du tiers monde) à celui de pays émergent, n’est pas un parangon de vertu en matière de lutte contre la pollution en général. Songeons ici à la situation, dramatique elle aussi, de la pollution des eaux par les déchets en plastique…
Nakhon Ratchasima, la ville la plus polluée de Thaïlande !
Commençons par vous dévoiler la ville la moins polluée de Thaïlande. Beaucoup seront étonnés d’apprendre qu’il s’agit de… Phuket (ภูเก็ต), sur l’île éponyme. Un étonnement que ne partagent pas les insulaires qui profitent donc du meilleur air de Thaïlande (ou plus précisément de l’air le moins pollué avec seulement 11 μg/m3 de PM2,5 (soit un IQA de seulement 47, dans le vert donc).
En arrivant dans la capitale, Bangkok, beaucoup de touristes la prennent pour la ville la plus polluée de Thaïlande. Il est vrai que la circulation débridée de cette immense agglomération pourrait le laisser croire mais il n’en est rien. Krungthep, comme la nomment les Thaïlandais, ne se situe qu’au 48e rang national des villes les plus polluées, avec une concentration de PM2,5 moyenne de 23 µg/m³, indice jaune donc. Au niveau mondial, ce n’est que la 737e ville la plus polluée (33e si l’on ne tient compte que des capitales). En revanche, elle subit elle aussi le drame des brûlis quelques jours – voire semaines – par an, principalement les fumées provenant du Cambodge voisin en janvier (cf. le second tableau ci-dessous).
Des données auxquelles l’on peut se fier puisque Bangkok dispose de la plus forte densité de stations PM2,5 de toutes les villes, avec 160 stations de mesure. Par ailleurs, c’est la ville qui compte le plus grand nombre de stations PM2,5 publiques au monde. En même temps, la moyenne annuelle de PM2,5 de la ville s’est progressivement améliorée au cours des trois dernières années. Malgré ces améliorations, la moyenne annuelle de PM2,5 à Bangkok reste plus de quatre fois supérieure à l’objectif de l’OMS.
Alors, quelle est donc la ville la plus polluée de Thaïlande ? Le sous-titre vous l’a déjà dévoilé : la ville la plus polluée de Thaïlande est Nakhon Ratchasima (นครราชสีมา), chef-lieu de la province de Nakhon Ratchasima. Une agglomération communément appelée Korat (โคราช) qui se trouve dans l’Isan, le nord-est thaïlandais, grenier à riz du pays et la région la moins riche (la plus pauvre diront certains), précisément ici. Sa concentration de PM2,5 a été de 42 μg/m3 en moyenne durant l’année 2019 (soit un IQA US de 117, de couleur orange). Ce qui la place non seulement au 1er rang national mais également au 8e rang des villes les plus polluées du Sud-Est Asiatique ! La situation n’est globalement pas bonne de janvier à avril avec deux mois en rouge, février et mars (qui sont des mois pollués dans une bonne partie de la Thaïlande, on vous dit pourquoi ci-dessous).
Voyons maintenant le Top 10 des villes les plus polluées de Thaïlande :
Le Top 5 des villes les plus polluées du royaume est donc constitué par Korat (Nakhon Ratchasima), suivie de Saraphi (สารภี), ville au sud de Chiang Mai, et Pai (ปาย), dans les montagnes de la province septentrionale de Mae Hong Son, à 3h de route de Chiang Mai. Quatrième ville la plus polluée de Thaïlande, Hang Dong (หางดง), au sud de la Rose du Nord, suivie, en 5e position, de Chiang Rai (เชียงราย), historiquement la petite sœur de Chiang Mai.
L’indice est orange en moyenne annuelle dans les 8 premières villes, ce qui se traduit par un air mauvais pour les personnes sensibles (grand public et personnes sensibles fortement exposées, risquant de ressentir des irritations et des problèmes respiratoires). Ce n’est qu’à partir du 9e rang, avec la ville de Mae Hong Son, chef-lieu de la province éponyme, que l’indice passe au jaune, se traduisant par un air de qualité moyenne (où les personnes sensibles peuvent éprouver des problèmes respiratoires et doivent donc éviter les activités en plein air).
Autre dramatique constat que démontre le classement national : toute les grandes villes du nord thaïlandais figurent hélas dans le Top 20 des villes les plus polluées, dans l’ordre : Chiang Rai, Lamphun, Mae Hong Son, Lampang, Chiang Mai, Phrae et Nan ! Seule Phayao – connue par son joli lac – se démarque avec une concentration de PM2,5 moyenne de 18 µg/m³, indice jaune, ce qui la place au 60e rang national des villes siamoises les plus polluées (mais c’est là sans nul doute une anomalie puisqu’aucun relevé ne figure pour les mois critiques).
Le tableau ci-dessus permet de vous rendre compte de la moyenne mensuelle de la pollution de l’air tout au long de l’année. Sans surprise c’est la période entre février (parfois janvier) et avril qui est la plus polluée généralement dans les villes thaïlandaises. On rappelle cependant que ces moyennes mensuelles sont surtout graves pour les personnes qui vivent à l’année dans ces régions – et donc beaucoup moins pour les touristes de passage deux ou trois jours.
En résumé : ➥ La Thaïlande se situe au 28e rang mondial des pays les plus pollués ➥ La ville la plus saine est Phuket ➥ Et le Top 5 des villes les plus polluées du royaume est constitué de Nakhon Ratchasima (Korat), Saraphi, Pai, Hang Dong et Chiang Rai
Mais où diable se situe Chiang Mai alors ?
Publicités
Et donc Chiang Mai n’est pas la ville la plus polluée de Thaïlande ?
Et bien non, n’en déplaise à ceux qui l’écrivent benoîtement. On vous l’a déjà dit, Chiang Mai ne vient qu’en 16e position au classement des villes les plus polluées du royaume (on ne parle ici que de pollution de l’air, rappelons-le); sa concentration de PM2,5 a été de 32 μg/m3 en moyenne durant l’année 2019 (soit un indice de couleur jaune). C’est dire qu’il y a quinze villes plus polluées que la Rose du Nord ! Notamment Pai, Chiang Rai, Lamphun, Mae Hong Son, comme on l’a vu ci-dessus, mais également Lampang, pour les plus connues d’entre elles. Rien d’étonnant lorsque l’on sait qu’il n’y a que peu d’industries à Chiang Mai.
Pourquoi donc Chiang Mai est systématiquement citée comme la ville la plue polluée du monde ? Cela tient à plusieurs facteurs. Le principal est que Chiang Mai, durant la saison des brûlis – entre mi-février et mi-avril, et uniquement durant cette période – atteint des pics de pollution et figure alors en tête du classement en direct IQAir des villes les plus polluées au monde. Cela fait régulièrement le titre des journaux et autres médias sur internet, une information largement partagée via les réseaux sociaux. Évidemment, au mois de juin, personne ne met plus l’accent sur l’indice de la qualité de l’air de Chiang Mai puisqu’à ce moment-là, la ville répond aux recommandations d’exposition de l’OMS (qui sont de 10 μg/m3 au maximum, rappelons-le). Plusieurs raisons expliquent que les villes thaïlandaises plus polluées que Chiang Mai durant cette période ne figurent pas dans dit classement. C’est par exemple le cas tant de Mae Hong Son, de Pai ou encore de Chiang Rai, des villes qui sont plus polluées que Chiang Mai durant les sinistres mois de mars et avril (encore plus cette année 2020, hélas, trois fois hélas). Leur faible nombre d’habitants leur permet de passer sous le radar.
La pratique annuelle des brûlis à ciel ouvert est couramment utilisée dans les zones agricoles pour défricher des terres en vue de la culture la saison suivante. Si cet essartage est bénéfique pour les agriculteurs, nécessitant peu de ressources et éliminant rapidement les déchets agricoles, le brûlage à ciel ouvert entraîne une pollution atmosphérique de grande ampleur, qui dure des semaines, voire des mois. Les cinq villes les plus polluées sont toutes situées dans les zones agricoles du nord de la Thaïlande, qui sont généralement touchées par le brûlage à l’air libre de février à avril.
Dans le futur, nous consacrerons un article fouillé à cette problématique de la pollution due aux brûlis, une pollution qui est loin d’être banale, incommodant les habitants et mettant en péril leur santé. Cependant, le tableau ci-dessous vous montre que l’air est bon à Chiang Mai du mois de mai jusqu’à mi-février, soit plus de 9 mois sur 12.
Situation quant à la pollution de l’air de quelques villes en Thaïlande, dont Chiang Mai
Que dit le site de référence IQAir de la pollution de l’air de Chiang Mai ? L’air de Chiang Mai est modérément pollué, s’aggravant pendant la saison brumeuse qui s’étend généralement de janvier à avril. La concentration moyenne annuelle de PM2,5 dans la ville est passée de 22,7 microgrammes par mètre cube (µg/m³) en 2017 à 24,5 µg/m³ en 2018. Des chiffres qui sont plus de deux fois supérieurs à la recommandation annuelle de l’Organisation mondiale de la santé, et ne sont que légèrement supérieurs à la qualité de l’air de Bangkok, où la moyenne annuelle de PM2,5 était de 25,2 µg/m³ en 2018. La qualité de l’air à Chiang Mai s’est donc encore dégradée en 2019 avec une moyenne de 32 μg/m3 en 2019.
Si l’on veut être honnête, l’on doit cependant relever que la situation a Chiang Mai n’est pas idyllique car les villes jouxtant le chef-lieu sont parmi les plus polluées du pays. Citons bien sûr Saraphi (au 2e rang national avec une concentration de PM2,5 moyenne de 41 µg/m³, indice orange), Hang Dong (4e rang avec 38 µg/m³, indice orange) et Lamphun (7e rang avec 37 µg/m³, indice orange), trois villes au sud non loin du chef-lieu. Mais aussi au nord avec Mae Rim (6e rang avec 37 µg/m³, indice orange).
Précisons encore qu’il faut évidemment tenir compte de la temporalité. Une moyenne, tant annuelle que mensuelle, n’a d’importance que pour les habitants d’une ville, qui y vivent à l’année. Si l’indice est violet 3 jours, rouge 4 jours et vert 2 jours, le touriste de passage n’a que faire d’une moyenne. Il ne se souciera que de la pollution durant la période de sa visite ! Et pour ce qui est d’un séjour ne dépassant pas trois jours, certains seront incommodés – les personnes sensibles – quand d’autres n’y verront que du feu. Et avouons qu’un touriste occidental est fort mal placé pour se plaindre d’une pollution, lui qui parcourt des milliers de kilomètres en avion pour arriver à destination (sans parler du retour, des voyages fort polluants)…
Quid de la pollution des principales destinations touristiques du royaume ?
Peut-être serez-vous intéressé à connaître l’indice de pollution moyen pour l’année 2019 des principales destinations touristiques du royaume. Le voici (plus le rang est élevé est moins la pollution est grande) :
Rang
Ville
Concentration PM2,5
Indice
48
Bangkok
23
jaune
68
Phuket
11
vert
53
Pattaya
21
jaune
64
Ko Samui*
17
jaune
–
Krabi
–
–
52
Hua Hin
21
jaune
33
Ayutthaya
25
jaune
–
Sukhothai
–
–
30
Kanchanaburi
25
jaune
16
Chiang Mai
32
jaune
* Comme Samui ne figure pas dans le classement, nous avons pris comme référence Surat Thani. Krabi et Sukhothai ne figurent elles aussi pas dans le classement 2019 en question.
Entre autres sites web, IQAir vous permet de connaître le niveau de pollution en direct de n’importe quelle ville thaïlandaise. À consulter au même titre que la météo. Notez que notre propre site web, Chiang Mai De-Ci De-là, affiche en permanence l’indice IQA US de Chiang Mai (partie haute de la colonne de droite). Et à l’heure où nous vous écrivons, il est au vert 😏
On le souligne encore une fois ici, la pollution dont il est question ne concerne que l’air. Et encore, les données du classement IQAir ne se concentrent que sur les seules particules fines, les PM2,5. Pourquoi donc seulement les PM2.5 ? Il s’agit du polluant généralement considéré comme le plus nocif pour la santé humaine. Les PM2,5 sont définies comme des particules en suspension dans l’air ambiant mesurant jusqu’à 2,5 microns (μm). Pour vous en faire une idée, le cheveu humain mesure 60 μm, soit 24 fois plus épais. De taille microscopique, ces particules pénètre dans le flux sanguin via le système respiratoire et voyage dans tout le corps, provoquant des effets sanitaires de grande envergure, notamment l’asthme, le cancer du poumon et les maladies cardiaques.
D’autres polluants s’ajoutent encore : les PM10, qui sont elles aussi des particules fines mais d’un diamètre de 10 μm, l’ozone (O3), un polluant qui se forme par réaction chimique à partir d’autres polluants, le dioxyde d’azote (NO2), gaz brun-rouge toxique notamment produit par les moteurs à combustion interne et les centrales thermiques, le dioxyde de soufre (SO2) qui contribue à la formation des pluies acides, ou encore le monoxyde de carbone (CO) qui se forme lors de la combustion incomplète de matières organiques (gaz, charbon, fiouls, carburants, bois) et dont la source principale est le trafic automobile. L’indice de la qualité de l’air IQA US tient cependant compte de tous ces polluants.
Toute cette pollution de l’air a également été associée à un faible poids à la naissance, à une augmentation des infections respiratoires aiguës et des accidents vasculaires cérébraux. Ainsi, la pollution de l’air ambiant à l’échelle mondiale est responsable de :
29 % de tous les décès et maladies dus au cancer du poumon;
17 % de tous les décès et maladies dus à des infections respiratoires basses aiguës;
24 % de tous les décès dus aux accidents vasculaires cérébraux;
25 % de tous les décès et maladies dus aux cardiopathies ischémiques;
43 % de tous les décès et maladies dus à la bronchopneumopathie chronique obstructive.
Les particules en suspension dans l’air proviennent de diverses sources. La combustion des moteurs de véhicules, l’industrie, les incendies et la combustion du charbon représentent les sources anthropiques les plus courantes, tandis que les tempêtes de sable, l’agriculture et les produits chimiques réagissant dans l’atmosphère représentent les sources naturelles les plus courantes.
Les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sont très claires en matière de pollution intérieure ou extérieure. Elles se basent sur les concentrations de particules de 2,5 et 10 microns, respectivement PM2,5 et PM10. Pour l’OMS, une exposition chronique ne doit pas dépasser la concentration de 10 µg/m3 en moyenne annuelle pour les particules PM2,5 et de 20 µg/m3 pour les particules PM10. Une exposition aigüe ne doit pas dépasser les seuils de 25 µg/m3 en moyenne sur 24 heures pour le PM2,5 et de 50 µg/m3 pour les PM10.
Source : France Air. En signalant encore que l’OMS prévient qu’aucun niveau d’exposition aux PM2,5 ne s’est avéré exempt d’effets sur la santé…
L’Office du tourisme thaïlandais vante les mérites du Pays du Sourire sous le slogan anglophone Amazing Thailand. Mais pour que la Thaïlande reste amazing encore faut-il que les autorités prennent des mesures draconiennes en matière de protection de l’environnement afin que les touristes reviennent de leur séjour le sourire aux lèvres. Cela passe, entre autres, par une diminution de la pollution de l’air. Sans parler des autres problématiques liées au tourisme de masse dont la Thaïlande est victime (victime certes mais une victime consentante). Toute mesure visant à améliorer la qualité de l’air plaira au touriste mais sera surtout bénéfique pour les habitants du royaume.
Vous pouvez maintenant fermer les yeux et… respirer !
1 Toutes les données de cet article proviennent du Rapport mondial sur la qualité de l’air en 2019 édité par IQAir (que vous pouvez télécharger sur cette page web). Anciennement AirVisual, une startup suisse – pays ami de la précision – créée en 2015 et qui est devenue la référence mondiale en matière de contrôle de la qualité de l’air. Elle fait maintenant partie de la multinationale IQAir, autre société suisse fondée en 1963 par deux frères Allemands (un pays tout aussi précis). En plus de leur application mobile (gratuite) et d’un petit capteur miracle, ils vendent également des purificateurs d’airSwiss made. Sur ce marché, hélas en expansion, avouons que les entreprises suisses sont leaders. IQAir répond à vos questions sur la manière d’établir leurs classements. Par ailleurs, certaines villes, à l’image de Chanthaburi à l’heure où nous écrivons, ne disposent pas de stations de surveillance aérienne au sol; IQAir estime alors l’IQA sur la base des données PM2,5 satellitaires, moins précises (leurs explications). Les relevés sont alors suivis d’un astérisque qui indique cet état de fait.