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Ok phansa, la fin de la retraite monastique en Thaïlande

À mi-octobre1 en Thaïlande, est fêtée ok phansa2 (ออกพรรษา), importante fête religieuse marquant la fin de la retraite monastique bouddhique qui dure trois mois lunaires. Elle est fixée à la pleine lune du 8e mois du calendrier lunaire, coïncidant avec la fin de la saison des pluies (la mousson en Inde).

Vous entendrez peut-être le terme thaï wan ok phansa (วันออกพรรษา), wan (วัน) signifiant jour. Le terme thaïlandais ok (ออก) quant à lui se traduit par sortir, quitteraller au dehors. Et phansa (พรรษา) signifie période, ici la saison des pluies. On vous explique en quoi consiste cette tradition, les cérémonies qui y sont liées, plus particulièrement à Chiang Mai, et l’on termine en vous expliquant pourquoi il ne faut pas parler de « carême ».

Prochaine date de la fête ok phansa en Thaïlande : jeudi 17 octobre 2024


Vassa, la retraite monastique de trois mois

Il s’agit donc de sortir de la période correspondant à Vassa, la retraite monastique de la saison des pluies, qui débute traditionnellement le lendemain d’Asanhabucha, fête commémorant le premier sermon du Bouddha. C’est une période plus favorable à la méditation, à l’étude auprès du maître, ou encore à la formation des jeunes moines. Cette période est aussi une occasion de rapprochement avec les laïcs, qui viennent dans les temples écouter des prêches et manifestent leur soutien aux moines tout en s’acquérant du mérite3 par des offrandes. Durant la période de Vassa, certains laïcs font vœu d’observer une ou plusieurs règles qu’ils pensent favorables à leur évolution spirituelle, comme manger plus sobrement, s’abstenir de fumer ou de boire de l’alcool, s’abstenir de distractions vaines, faire une offrande quotidienne aux moines, etc. En Thaïlande, le Festival Végétarien – qui dure 9 jours – coïncide généralement avec cette période. C’est durant cette période que les hommes thaïlandais, le plus souvent de jeunes célibataires, prennent l’habit temporairement pour la saison des pluies.

C’est le Bouddha historique qui a proposé à ses disciples de profiter de cette période, où ils pouvaient difficilement se déplacer du fait des conditions météorologiques, pour faire une « retraite des pluies » : se poser, recentrer la pratique et prendre une « résolution », dans le sens d’un effort particulier pour accélérer l’avancée sur la voie de la libération de la souffrance et de l’ouverture du cœur.

Photo DMC
© DMC.TV

À l’issue des trois mois, a lieu le rite d’invitation (à discuter des fautes) ou pavarana, วันมหปวารณา en thaï (wan maha pawarana)Il débute par un rituel où la récitation des règles monastiques (patimokkha) est généralement écourtée pour laisser plus de temps à l’examen par les moines de la pureté de leur conduite (purisuddhi). Une coutume expliquée par le besoin de résoudre les frictions consécutives à trois mois de vie communautaire.

Pour celles et ceux qui pratiquent (ou qui sont attiré(e)s par la pratique bouddhique), on vous livre ici les suggestions de pratique du Dhamma de la Forêt, soit le bouddhisme Theravâda dans la Tradition de la Forêt, une tradition bouddhique née en Thaïlande dont un des derniers grands maîtres fut le Vénérable Ajahn Chah Subhatto : suggestion de pratique cette année 2020 (vous pouvez consulter les anciennes suggestions, pour 2019, 2018, 2017 et 2016; profitez-en, tout est en français).


Cérémonies en lien avec ok phansa

En Isan, le nord-est thaïlandais, grenier à riz du royaume, cette journée est marquée par des défilés de bateaux illuminés remplis d’offrandes. Un moyen de faire plaisir aux esprits Nāga. Occasion également de lâcher des lanternes célestes. La mise à l’eau des bateaux et le lâcher des lanternes symbolisent l’élimination des sentiments négatifs inutiles et l’espoir d’une réalisation des souhaits.


Et à Chiang Mai ?

Photoวีรวัฒน์ พรหมเมือง
© Facebook

Rien de toute cela à Chiang Mai et sa région. Cependant, les temples ce jour-là sont plus animés qu’à l’accoutumée. Ainsi, en vous rendant dans les temples bouddhistes en matinée (tôt), vous pourrez alors y voir des prières et autres cérémonies religieuses spécifiques. Les offrandes matinales aux moines sont plus riches qu’habituellement. Ainsi, les familles du Lanna préparent des desserts spécifiques qui seront offerts aux moines, enrobés dans des feuilles de bananiers. Il s’agit des khanom chok (ขนมจ็อก), un mot typique du nord. Ailleurs en Thaïlande, ce même dessert est appelé khanom thian (ขนมเทียน).

Ok phansa est cependant un « jour du Bouddha », soit un jour de pleine lune, la vente d’alcool est prohibée (ce qui explique que de nombreux bars ferment le soir d’ok phansa et le soir précédent, l’interdiction prenant effet à minuit et une minute). Contrairement à khao phansal’entrée dans la retraite monastique de trois mois, ok phansa – sa sortie – n’est pas un jour officiellement férié (sauf si la fête tombe sur le 13 octobre, jour férié en raison de la commémoration de la disparition de feu Bhumibol le Grand, le précédent roi bien-aimé). À noter encore que le peuple Shan fête lui aussi la fin de la retraite bouddhique, une fête étalée sur plusieurs jours et appelée ok wan. Vous pouvez la vivre en vous rendant dans la province voisine de Mae Hong Son, tant à Mae Hong Son, le chef-lieu, qu’à Mae Sariang. Nous avons consacré un article complet à ces festivités hautes en couleur : Festival Poi Lern Sip Et à Mae Hong Son.

Ici au nord de la Thaïlande, ce jour d’ok phansa est suivi, le lendemain aux aurores, d’offrandes spectaculaires aux moines, tak bat thewo. Débute ensuite thotkathin (ou kathina), un mois où les dévots offrent aux moines bouddhistes leurs nouvelles « robes » (on vous tient bien entendu informé des diverses célébrations dans la région de Chiang Mai, que ce soit sur le présent site web ou notre page Facebook).

Notons encore que les fêtes – à l’image des mariages – suspendues généralement durant ces trois mois de retraite monastique, reprennent de plus belle !

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Pourquoi parler (erronément) de Carême bouddhique ?

La plupart des blogueurs – qui ne s’intéresse manifestement pas à la théologie – et avec eux l’Office du tourisme thaïlandais, se réfèrent à des sites anglophones qui, pour cette fête, parle de Buddhist Lent (Lent provient du vieil anglais lencten signifiant printemps). Le problème est que le terme français carême retenu en guise de traduction provient du latin vulgaire quaresima et signifie une période de quarante jours (sans compter les dimanches) située entre le mardi gras et le jour de Pâques, événement central du christianisme, alors qu’ok phansa est une période de trois mois lunaires. La durée du Carême fait en particulier référence aux quarante années passées au désert par le peuple d’Israël entre sa sortie d’Égypte et son entrée en terre promise; elle renvoie aussi aux quarante jours passés par le Christ au désert entre son baptême et le début de sa vie publique. Ce chiffre de quarante symbolise les temps de préparation à de nouveaux commencements.

Qui plus est, ok phansa ne concerne que les moines bouddhistes (bien que des pratiquants bouddhistes s’engagent à certaines privations) alors que le carême touche, lui, toute la communauté chrétienne, laïques comme membres du clergé. Pas de jeûne donc (bien que ce soit là une pratique qui transcende les religions).

Mais reconnaissons que les traducteurs sont souvent dépourvus lorsqu’il s’agit de traduire des notions étrangères à l’esprit des locuteurs (bien que des directives aient été émises il y a plusieurs siècles déjà). La plus grande partie du vocabulaire et des concepts du bouddhisme est difficilement traduisible en français, sans perdre le sens et la portée des termes originaux. Et Dieu sait – tout comme le Bouddha – que la conception bouddhique est à mille lieues de celle des Chrétiens. Écoutons Philippe Cornu, docteur en philosophie, sur cet intéressant sujet.

Que ce soit par extension (période de jeûne), par métonymie (privation de nourriture, de plaisirs) ou par analogie (période d’abstinence, de privations), le terme de carême ne recouvre qu’imparfaitement la période de retraite monastique dont il est question ! Évitons par conséquent de l’utiliser pour traduire la fête de ok phansa4. Si le Père P. Jean-Paul Sagadou précise que le ramadan n’est pas le carême des musulmans et le carême n’est pas le ramadan des chrétiens, nous ajouterons alors que ok phansa n’est pas le carême des bouddhistes !

Avouons cependant qu’utiliser le terme de carême peut être commode.


Pour aller plus loin – Conseils de lecture

Peut-être que la pratique du bouddhisme vous attire. Si tel devait être le cas, le mieux est d’entamer une retraite dans un temple (celle de 10 jours a les faveurs de nombreux adeptes). Nous consacrerons un jour un article à cette pratique. À défaut, commencez donc par lire des ouvrages en lien avec le bouddhisme, une religion qui, sans être prosélyte, attire beaucoup de sympathisants occidentaux. On vous conseille ici quelques lectures introductives, omettant volontairement les ouvrages faisant référence à d’autres écoles du bouddhisme, telle le Véhicule du Diamant cher aux Tibétains ou le zen que pratiquent les Japonais.

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De quelques ouvrages fort instructifs

Tout d’abord l’Introduction à l’enseignement du Bouddha et à sa pratique de Michel Henri Dufour, un auteur affilié à la tradition Theravâda de la forêt propre à la Thaïlande. Vous touchez là à l’enseignement de l’École des Anciens, l’essence du bouddhisme. Beaucoup de personnes sont venues au bouddhisme par la lecture de L’Enseignement du Bouddha – D’après les textes les plus anciens, best-seller de Walpola Rahula. Si vous optez pour une vision d’ensemble non dénuée d’humour, Le Bouddhisme Pour les Nuls est fait pour vous (version poche). Édition plus récente fort appréciée elle aussi, 50 notions clés sur le Bouddhisme pour les Nuls est l’œuvre de Marine Manouvrier, professeur au riche bagage académique. Un ouvrage clair et concis.

Il nous semble intéressant de savoir comment se vit le bouddhisme au quotidien. Et qui mieux que Fabrice Vidal sait transmettre et son expérience et ses connaissances ? Comment être bouddhiste ? C’est là le titre d’un livre que nous vous recommandons. Vous pourrez ensuite poursuivre avec le coffret Pratique de la méditation (il contient un livre, un CD audio et un DVD). Dans le 3e ouvrage présenté ici, Fabrice Midal nous parle de son expérience – ce que vingt-cinq ans de méditation lui ont appris. Un livre au très beau titre : Frappe le ciel, écoute le bruit.

Bouddhisme - Livres Montage 2
Le bouddhisme côté pratique

Ce sont là des références destinées aux personnes désirant s’initier au bouddhisme (et non pas à celles déjà versées dans la pratique). On se permet tout de même de vous rappeler que le propre du bouddhisme est la méditation. Vous pouvez lire tous les livres que vous voulez, votre connaissance du bouddhisme ne sera qu’intellectuelle. Or, l’essence même du bouddhisme est d’oublier tout savoir et de pratiquer la méditation. Ceci afin d’atteindre l’Éveil.


Vous l’aurez compris, avec l’entrée des bonzes dans la retraite monastique de trois mois, khao phansa, au lendemain de l’asanhabucha, cette sortie, ok phansa, fait partie des plus importantes célébrations bouddhistes de l’année ici en Thaïlande, où le courant largement majoritaire est le bouddhisme Theravāda. Sans oublier la cérémonie des offrandes de nouvelles robes aux moines, thotkhatin, de même que makhabucha, commémorant deux événements de la vie du Bouddha historique.

Quel que soit votre statut, n’hésitez pas à vous rendre dans les temples bouddhistes de Chiang Mai et d’ailleurs. Fête ou pas fête, il y règne toujours une ambiance particulière, certains temples étant porteurs d’une indéniable énergie tellurique.

Photo Saran Wiki - Groupe FB ‎ธรรมะของพระอรหันต์ สายหลวงปู่มั่น ภูริทัตโต
© Facebook – Saran Wiki

LES FÊTES BOUDDHISTES CÉLÉBRÉES EN THAÏLANDE
● La plus importante d’entre elles, le jour du Vesak (wisaka bucha), qui tombe généralement en mai. On y commémore à la fois la naissance, l’illumination et l’extinction définitive du Bouddha historique.
Entre mi-février et début mars, c’est makhabucha où deux autres événements de la vie du Bouddha sont célébrés, notamment son premier sermon.
● Autres moments-clés de l’année bouddhique, survenant généralement à fin juillet, durant la saison des pluies, asanhabucha & khao phansa, la retraite monastique, appelée par erreur ou commodité « carême bouddhiste ».
● Trois mois lunaires plus tard (généralement en octobre, après la saison des pluies), ok phansa, la fin de cette retraite des moines. Avec, le lendemain, une cérémonie spectaculaire, tak bat thewo, des offrandes matutinales à des moines en fille indienne.
● Cette fin de retraite monastique est suivie par une période d’un mois où se font des offrandes de nouvelles robes aux moines, thotkathin (ou kathina avec ses cérémonies à Chiang Mai).

Ce sont là les principales fêtes en lien avec le bouddhisme Theravāda, le courant largement majoritaire au royaume. En Thaïlande, elles donnent lieu à des jours fériés où la vente d’alcool est interdite.


1 En 2020, vendredi 2 octobre (en 2019, il s’agissait du 13 octobre, en 2018, du 24 octobre et en 2017, du 5 octobre).
2 Comme à notre habitude, nous adoptons ici le Système général royal de transcription du thaï (RTGS). Cependant, en tant que locuteur francophone, sachez que phansa se prononce pansa. Sur le web, vous trouverez moult variables, en fonction de la langue du site (généralement anglaise) : Ok, Ork ou Awk pour ออก et phansa ou pansa pour พรรษา.
3 Sur cette importante notion de mérite, on vous renvoie aux explication d’Odon Vallet dans le paragraphe ad hoc de notre article Wat Ton Kwen à Chiang Mai. Offrande de riz et feu en l’honneur du Bouddha.
4 Feu Maître Capello vous en sera reconnaissant 😏

La source de la photo à la Une nous est malheureusement inconnue.
Article composé le 24.10.2018 et mis à jour le 21.10.2021

Khru Bawong à Lamphun. Exhumation d’un moine qui a quitté son écorce terrestre

Les moines momifiés (mammi phra en thaï, มัมมี่พระ). Voilà un thème cher aux dévots bouddhistes du Nord thaïlandais. Et l’exhumation de ces moines bouddhistes – exécutée à l’occasion de la cérémonie annuelle du changement de robe monastique à la date anniversaire de leur décès – attire les foules. C’est là une occasion pour vous de participer à d’émouvantes célébrations religieuses où les vénérables sont toujours autant vénérés. Mais dans ce cas, faites-le avec respect.

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Où vous apprendrez qu’il existe non pas un mais bel et bien deux moines bouddhistes dont les corps ont été momifiés dans le district de Li, à Lamphun. Tous deux font l’objet d’une grande vénération et d’une cérémonie annuelle de changement de robe monastique, tant pour Khru Bawong que pour Khruba Khaopi, événements hauts en couleur fixés selon la date de leur décès (on vous en dévoile le programme détaillé, ici pour Khru Bawong). Où leur enseignement vous est rappelé. Où vous en saurez plus sur les offrandes faites par les dévots à ce moment-là, sous forme de jolis khrua tan. Où l’on évoque la conservation des saints hommes dans les différents courants religieux. Et finalement où l’on vous donne nos conseils de visite des attractions de Li, dans la province voisine de Lamphun donc, non sans vous rappeler que le Lanna est pays aux nombreux saints hommes. C’est tout cela que vous apportera la lecture de cet article. Avec en bonus l’évocation d’un troisième saint homme de la province de Lamphun…

CÉLÉBRATIONS 2024 :
⦿ Changement de la robe monastique de Khruba Khaopi : du 1er au 4 mars 2024 (vidéo de l’édition 2021)
⦿ Changement de la robe monastique de
Khru Bawong : du 15 au 17 mai 2024
⦿
Commémoration de la disparition de feu Khruba Phrompha : 17 août 2024


« Quitter son écorce terrestre »

Certains reprochent à la Thaïlande son explosion touristique. Il est vrai que les attractions du royaume, fort nombreuses et variées, attirent les touristes par millions, toujours plus d’année en année¹. Bangkok est d’ailleurs une des villes les plus visitées au monde, si ce n’est la plus visitée². Chiang Mai attire également moult touristes parmi lesquels beaucoup de Chinois (nous consacrerons un jour un article à cet intéressant sujet). Malgré cette affluence, il est fort aisé de se balader en des contrées où le touriste se fait plus rare : Chiang Mai De-ci De-là s’escrime à vous faire connaître des lieux et des fêtes qui devraient titiller votre curiosité. Et l’événement annuel dont il est question aujourd’hui, un événement religieux exceptionnel, en fait indubitablement partie.

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© Facebook

« Quitter son écorce terrestre », voilà une bien belle expression pour parler de la mort, qui est vue bien différemment selon que l’on soit chrétien, bouddhiste ou encore agnostique ! Khruba Chaiyawongsa (ครูบาชัยยะวงศา), un moine bouddhiste devenu célèbre dans la région, appelé plus communément Khru Bawong (ครูบาวงศ์), a donc « quitté son écorce terrestre » en l’an 2000, le 17 mai. Mais son corps, qui ne s’est point décomposé et est donc momifié, fait l’objet d’un culte des plus étonnants. Ainsi, chaque année, les dévots procèdent à une cérémonie de changement de sa robe monastique. Cela se passe à Baan Phra Bat Huai Tom, dans le district de Li (sous-district de Na Sai), dans la province voisine de Lamphun, au sud de Chiang Mai (à 2h30 de route). Du 15 au 17 mai, les disciples de Luang Pu Khru Bawong, avec l’aide de nombreux moines et des villageois de la région, sont en fête; ils invoquent le corps de feu ce moine vénéré en se remémorant son enseignement. Le 16 mai a lieu le défilé et le 17 est le jour solennel où se déroule le changement de la robe monastique. Participez à cette cérémonie religieuse plus avec piété qu’avec curiosité (et soyez vêtu·e dignement).

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Programme habituel des festivités :

Le 15 mai :

  • 06h00 : offrandes matutinales aux moines;
  • 09h00 : réunion des moines au temple;
  • 10h30 : prières;
  • 11h00 : repas pris en commun avec les moines et les novices;
  • 19h00 : prières avec sermon.

Le 16 mai :

  • 06h00 : offrandes matutinales aux moines;
  • 09h00 : réunion des moines au temple;
  • 10h30 : prières;
  • 11h00 : repas pris en commun avec les moines et les novices;
  • 14h00 : grande procession autour du village;
  • 19h00 : prières avec sermon.

Le 17 mai :

  • 06h00 : offrandes matutinales aux moines;
  • 09h00 : réunion des moines au temple;
  • 13h00 : changement de la robe monastique de Khru Bawong avec procession, suivi d’une cérémonie où les fidèles peuvent apposer des feuilles d’or sur son corps.
  • 19h00 : prières finales avec sermon.
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Les conseils de notre reporter sur le terrain

De Chiang Mai, pour vous rendre dans le district de Li, privilégiez l’ancienne route Chiang Mai-Lamphun (route no 106). Après Pasang, elle devient vallonée, bordée de chaînes montagneuses de part et d’autre (en transports publics, passage obligé par la gare routière de Lamphun depuis laquelle un song thaew vous amènera à Li où vous devrez négocier pour vous rendre jusqu’au temple, à 5 kilomètres de là). Comptez 2h30 de route (bien plus par les transports publics). On vous conseille de passer la nuit sur place, ce qui vous permettra de vivre et la procession du 16 mai et celle du 17 mai où le corps est transporté. Le meilleur établissement doit être le récent Baan Paylin Resort; il est moderne et confortable, offrant une très belle vue sur les montagnes depuis le balcon de votre chambre (attention, réservation anticipée obligatoire car il affichait complet durant cet événement annuel). Réservez-le sur Booking.com. Autres attractions bouddhistes à visiter sur place : en bordure de route, vous ne pourrez manquer le site du Wat Mon Luang Sa (วัดมณหลวงษา) et ses divers éléments architecturaux éparpillés. De même que le Monument des Trois Moines (Three Khruba Monument, อนุสาวรีย์สามครูบา), au cœur de Li. Tout proche, deux autres temples valent le détour : le Phrathat Ha Duang (วัดพระธาตุห้าดวง) et ses deux imposantes portes, et, juste à côté, le Wat Phra That Duang Diao. Et bien sûr le magnifique chedi doré, le Chedi Phra Mahathat Si Wiang Chai (พระมหาธาตุเจดีย์ศรีเวียงชัย), qui correspond à l’attraction immanquable du district de Li. Ceux qui s’intéressent aux conditions de vie des Karens peuplant la région ne manqueront pas de faire un saut au Ban Huai Tom Royal Project (ศูนย์พัฒนาโครงการหลวงพระบาทห้วยต้ม), qui offre des opportunités professionnelles aux membres de cette minorité ethnique venue de Birmanie. Il y a également à l’est le lac Doi Tao (à sec durant la saison sèche) et plus au sud le parc national Mae Ping mais pour visiter pleinement ces deux derniers sites il vous faudra alors plus de temps à disposition !

Vous serez sans nul doute émerveillé par l’écrin où repose le corps momifié de Khru Bawong. Le bâtiment où les dévots viennent se recueillir recèle de très belles sculptures blanches sur les hauteurs. Sous le regard d’une statue du Bouddha, le corps du moine lui-même est protégé par une sorte de catafalque vitrifié, déposé sur un socle immense où l’argent brille, le tout dans un environnement protégé (et sous air conditionné).

La procession du 16 mai part du Wat Phra Bat Huai Tom (วัดพระพุทธบาทห้วยต้ม, ici) et fait le tour du village avec comme halte le Chedi Phra Mahathat Si Wiang Chai (พระมหาธาตุเจดีย์ศรีเวียงชัย, ) où sont déposés d’immenses khrua tan (explications en fin d’article). Dès lors, vous pouvez très bien l’attendre dans ce dernier lieu. A moins que vous ne vouliez prendre part à dite procession qui dure plus de 2 heures. Bien que de nombreuses boissons (le plus souvent sucrées) soit distribuées sur l’entier du parcours, il vous faudra encore vous protéger du soleil tapant, à l’aide d’une ombrelle ou d’un couvre-chef (qui n’est pas fourni sur place).


Khru Bawong parcourant les collines

Durant son existence, Luang Pu Khruba Wong a parcouru cette région vallonnée, abattant une quantité de kilomètres à pied et visitant beaucoup de villages des provinces de Lamphun, Tak, Mae Hong Son et Chiang Mai. Par conséquent, nombre d’habitants ont bénéficié de son enseignement (la région compte une importante communauté de Karens, une des nombreuses minorités ethniques du Nord thaïlandais). Jusqu’à ce qu’il s’établisse dans le temple du village de Baan Phra Bat Huai Tom, attirant de nombreux disciples. Lui-même végétarien, cet érudit insistait sur les méfaits de la consommation de viande, convertissant beaucoup de disciples au végétarisme (il faut savoir que nombre de temples bouddhistes en Thaïlande n’interdisent étonnamment pas de consommer de la viande). Khru Bawong a contribué à propager l’enseignement du bouddhisme, combattant l’ignorance (les habitants, très superstitieux, sont profondément attachés à l’animisme et croient à l’existence des pee, les fantômes). A travers cette commémoration annuelle, l’enseignement de Khru Bawong perdure. Restent les superstitions : les grands moines décédés font l’objet d’une grande vénération, à travers ces cérémonies commémoratives mais aussi en alimentant un marché immense, typiquement thaïlandais, celui des amulettes.

Quid de la conservation des corps dans le bouddhisme ?

Il peut paraître fort étonnant qu’un corps humain se conserve ainsi au fils des ans, évitant tout signe de décomposition, sans qu’il y ait eu un processus manuel de momification (nous n’avons pas – encore – réussi à savoir si le corps de Khru Bawong a fait l’objet d’analyses médicales poussées). La chrétienté connait aussi ses corps qui ne subissent que peu ou pas de putréfaction, évitant le processus normal de décomposition après la mort. Un état touchant les saints et les béatifiés appelé incorruptibilité, mis au bénéfice de l’intervention divine et perçu par les fidèles comme un signe de sainteté. Il y a également le phénomène de transfiguration vécu par le Christ (célébré tous les 6 août).

L’histoire du monachisme bouddhique nous apprend que des états spirituels supérieurs, atteints par une intense méditation, agissent sur la conservation des corps (ici en Russie, en Mongolie et bien sûr en Thaïlande); on retrouve parfois des moines momifiés à l’intérieur de statues (comme en Chine). C’est notamment le cas d’un état spirituel rare connu sous le nom de tukdam et réalisable après la mort. Au Japon par exemple, les Sokushinbutsu, des moines bouddhistes, suivaient jadis une longue pratique ascétique, les amenant à se momifier vivants – pratique interdite depuis. Ailleurs, d’autres observations font état d’un « corps arc-en-ciel » correspondant à l’état spirituel le plus élevé, proche de celui du Bouddha historique. La littérature et la tradition orale du bouddhisme font état de nombreux cas où la conscience, sous une forme subtile, voyage hors du corps grossier³.

Vous pourrez donc vous-même observer les restes momifiés en vous rendant à cet événement. Exceptionnel, disions-nous. Et l’on vous rappelle de participer à cette cérémonie religieuse plus avec piété qu’avec curiosité (en étant vêtu·e dignement).


Liens

  • Emplacement du Wat Phra Bat Huai Tom sur Google Maps.
  • Page Facebook dédiée à Khru Bawong.
  • Page Facebook Je suis Karen (ฮา กะเหรี่ยง, une des pages de la communauté karenne, parmi d’autres).
  • Village to the World (présentation officielle du village par Amazing Thailand – l’Office national du tourisme thaïlandais, en anglais).
  • CM77 (site web d’une radio régionale, avec le programme complet mais tout est en thaïlandais).
  • La radio locale, Li Radio, sur Facebook et sur le web.

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Le splendide Chedi Phra Mahathat Si Wiang Chai © Facebook – AnuKun..AR.boy

Que vous y alliez durant cette fête religieuse annuelle ou à un autre moment de l’année, vous ferez là un bien beau voyage dans une Thaïlande authentique, préservée du tourisme de masse, au contact d’une population campagnarde qui vous ravira. Un village à majorité karenne connu pour son tissage – il produit des textiles variés – et son argenterie (bagues, colliers), de même qu’une production coutelière. Magnifique est son chedi doré, le Chedi Phra Mahathat Si Wiang Chai (พระมหาธาตุเจดีย์ศรีเวียงชัย, photo ci-dessus), encore en construction, au milieu de la vallée (la procession y fait halte). Découvrez ici le village de Baan Phra Bat Huai Tom en vidéo :


Célébration 2018

Plusieurs médias locaux ont consacré des articles à cet événement exceptionnel. À l’image de la chaîne de radio CM77. Et comme dit événement a été filmé, on vous en livre ci-dessous la vidéo en espérant qu’elle vous donne envie de mettre ce rendez-vous à votre agenda l’année prochaine :

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Et un autre moine momifié à 15 km de là, Khruba Khaopi !

(Mise à jour du 28 février 2019). Après avoir participé aux festivités 2018, quelle ne fut pas notre surprise d’apprendre, dans le courant de l’année 2019, qu’une autre figure religieuse reposait elle aussi dans les mêmes conditions que Khru Bawong, à seulement 15 km de là ! Il s’agit de feu Khruba Khaopi4 (Khrubachao Aphichai Khaopi de son nom complet, ครูบาเจ้าอภิชัย ขาวปี en thaï). Moins connu que le précédent, son corps reste intacte alors que sa mort remonte à l’année 1977, le 3 mars pour être précis…

Or, Khruba Khaopi fait lui aussi l’objet d’une célébration annuelle de changement de robe monastique. L’événement, tout aussi exceptionnel, est étalé sur quatre jours et a lieu, en cette année 2019, du vendredi 1er au lundi 4 mars, au Wat Phraputthabat Pha Nam (วัดพระพุทธบาทผาหนาม), dans ce même district de Li donc, sous-district de Pa Phai cette fois-ci.

Ainsi, disciples, moines et villageois invoqueront le corps de Khruba Khaopi, qui ne s’est pas décomposé, durant cette cérémonie de changement de robe. Cette année, tous les fidèles participeront à la construction d’une pagode de sable afin d’accumuler les mérites5.

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Les temps forts du programme (le jour principal étant le dimanche) :

► VENDREDI 01.03.2019
▪︎ 7h00 : aumônes matinales aux moines
▪︎ 9h00 : divers préparatifs de la cérémonie

► SAMEDI 02.03.2019
▪︎ 7h00 : aumônes matinales aux moines
▪︎ Dès 9h30 : cérémonie de dépôt des khrua tan par les villageois alentour (la journée durant)
▪︎ 10h29 : prières et dévotions en compagnie de 42 moines
▪︎ 11h30 : partage du repas avec les moines et les novices
▪︎ 19h30 : prières et sermon

► DIMANCHE 03.03.2019 – A NE PAS MANQUER
▪︎ 7h00 : aumônes matinales aux moines
▪︎ Dès 9h30 : cérémonie de dépôt des khrua tan par les villageois alentour (la journée durant)
▪︎ 10h29 : prières et moulage du corps de Khruba Khaopi effectué par 42 moines
▪︎ 11h30 : partage du repas avec les moines et les novices
▪︎ 13h29 : CEREMONIE DE CHANGEMENT DE ROBE effectuée par 42 moines
▪︎ 19h00 : prières et sermon par 9 moines

► LUNDI 04.03.2019
▪︎ 7h00: aumônes matinales aux moines (fin de la célébration)

EN SAVOIR PLUS PLUS LE NET
Evénement Facebook.
Page Facebook du Wat Phraputthabat Pha Nam (วัดพระพุทธบาทผาหนาม จ.ลำพูน).
En savoir plus sur cette événement : CM77 97.5 MHz วิทยุล้านนา (mais c’est en thaï, source de la présente publication).
Plus d’information sur Khruba Khaopi (hélas en thaï seulement).

Un moine qui fait même l’objet de groupes Facebook comme celui-ci (ครูบาเจ้าอภิชัยขาวปี วัดพระพุทธบาทผาหนาม) et celui-là (บารมีอภิชัยโย(ครูบาเจ้าอภิชัยขาวปี)), groupes dans lesquels la vente d’amulettes va bon train !

La célébration religieuse à laquelle on vous convie est événement marquant et plutôt fastueux, en voici trois vidéos : geukmadotcom (célébration 2018) où l’on voit le corps de Khruba Khaopi, TV Lampang Online et enfin บริการรับถ่ายภาพทางอากาศ และถ่ายภาพทั่วไปทุกชนิด.

RobeChangingCeremonyOfKrubachaoApichaiKhaopeePhotoKhruaTan
Confection des khrua tan © Facebook

Indépendamment du changement à proprement dit de la robe monastique de Khruba Khaopi, clou de cette cérémonie religieuse, le temps fort du week-end, samedi et dimanche donc, est constitué par le dépôt des khrua tan par les villageois alentour. Les khrua tan (ครัวตาน en thaï) sont des jolies structures souvent en forme de sapin, pouvant être coiffées d’une ombrelle et constituées d’objets utiles aux moines, nourriture et autre argent nécessaire au fonctionnement du temple. Ces offrandes sont effectuées la journée durant afin d’accumuler des mérites, notion chère aux bouddhistes thaïlandais5. Vous avez là quelques exemples de khrua tan.

Les habitants du village de Baan Phra Bat Huai Tom sont plutôt accueillants; un village et son temple qui ont d’ailleurs fait l’objet d’un reportage que l’on vous offre ci-dessous :

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Commémoration de feu Khruba Phrompha

Autre événement religieux marquant qui a été porté à notre connaissance : la commémoration de la disparition d’un moine très vénéré, Khruba Phrompha, il y a de cela 35 ans 😌

Cela s’est passé du lundi 12 au dimanche 18 août 2019, avec une cérémonie plus importante samedi 17 août 2019, au Wat Phra Phutthabat Tak Pha (วัดพระพุทธบาทตากผ้า), dans la province voisine de Lamphun (à Makok, district de Pa Sang, précisément ici; comptez 1 heure de route depuis Chiang Mai).

Ici, pas de corps à vénérer puisque Khruba Phrompha a été incinéré; ne restent que ses reliques. Voici ce qu’a été le programme de cette semaine d’août 2019.  Du lundi 12 au dimanche 18, chaque jour : offrandes à 79 moines à 7h et cérémonies bouddhistes à 13h. Et surtout samedi 17 août 2019, le 17 août étant la date de son décès :

  • 7h : offrandes à 79 moines;
  • 9h : cérémonie religieuse en présence de 170 moines;
  • 11h : repas gratuit;
  • 13h : cérémonie religieuse avec un sermon bouddhiste.

Phra Phromtha Thera W. (appelé plus communément Khruba Phrompha, พระสุพรหมยานเถร) est l’ancien abbé du Wat Phra Phutthabat Tak, un temple perché sur une colline où sont organisés notamment des concours des fameux tambours du Lanna ou encore un pèlerinage annuel. Né le 30 août 1898, à Ban Pa Phaeng, dans ce même district de Pa Sang (en province de Lamphun, rappelons-le), il a quitté son écorce terrestre le 17 août 1984, s’étant éteint dans la posture de méditation à l’hôpital Maharaj Nakorn, ici à Chiang Mai. Sa crémation royale a été organisée le 30 janvier 1988. Lui qui a été ordonné à l’âge de 15 ans au temple Pa Hiang (le 24 avril 1912), son histoire est toute tournée vers le temple Phra Phutthabat Tak, où il a fondé un institut d’études bouddhistes ‘Pali Dharma’. Y était enseignée la méditation. Un temple qu’il a contribué à rénover (dès 1941) et dont il est devenu abbé en 1959. Très vénéré de son vivant, il a reçu l’honneur royal en 1957.

Plus d’informations sur cet événement (mais bien entendu, tout est en thaï) sur la page Facebook du temple, le site web ou encore l’événement FB.

Mise à jour : vous pouvez consulter l’album-photo officiel des célébrations 2019.

Signalons encore que si vous vous rendez dans ce temple perché sur une colline durant la saison fraîche, soit généralement de mi-décembre à mi-janvier, vous pourrez alors admirer un magnifique lever de soleil sur un paysage embrumé (la brume disparait vers 9h). On vous offre le spectacle dans cette vidéo.

KrubaPhrompha2019CoverWebsite

Et pour en savoir plus sur Khruba Phrompha (toujours en thaï) :
Page Facebook qui lui est dédiée.
Reportage TV sur cet éminence bouddhiste locale.
◉ Un de ses ouvrages contenant des ‘proverbes’ peut être consulté à la bibliothèque de l’EFEO ici à Chiang Mai.
◉ Quelques biographies sont disponibles : Dharma (ici et ), Treatise ou encore Wikipédia

On quitte Khruba Phrompha avec cette courte présentation vidéo :

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Les saints hommes du Lanna

Khruba Phrompha était donc un moine bouddhiste très connu, dans la lignée de Khru Bawong et de Khruba Siwichai (ครูบาศรีวิชัย), le moine le plus vénéré6 du Lanna. Un pays qui a décidément produit beaucoup de saints hommes. Celles et ceux désirant en savoir plus liront avec intérêt Bouddhisme et politique en Thaïlande : une relation complexe et ambiguë. C’est là une contribution de feu le regretté Arnaud Dubus pour Églises d’Asie. Si vous comprenez l’anglais, n’hésitez alors pas à lire son dernier livre : Buddhism and Politics in Thailand (publié par l’IRASEC – Institut de recherches sur l’Asie du Sud-Est contemporaine et disponible gratuitement; vous pouvez également acquérir la version Kindle). Il y parle entre autres de Khruba Siwichai et du mouvement de revitalisation bouddhiste dont il faisait partie. Mentionnons encore ici deux textes de référence (en anglais) : Charismatic Monks of Lanna Buddhism, un ouvrage écrit par l’anthropologue Paul Cohen, lui qui s’intéresse aux moines bouddhiques qualifiés de ton bun (littéralement « personnes de mérite ») par les fidèles des régions septentrionales de Thaïlande, avec Khruba Siwichai en couverture. Et The Saint with Indra’s Sword: Khruubaa Srivichai and Buddhist Millenarianism in Northern Thailand, une contribution d’importance de Katherine Bowie, anthropologue elle aussi et professeure à l’université de Wisconsin-Madison, affiliée au Centre d’études du sud-est asiatique, (texte en ligne).


1 Top 20 des destinations touristiques et des pays émetteurs – Réseau Veille Tourisme
2 Tourisme : Bangkok est la ville la plus visitée au monde en 2016 Mediaphore.com
3 Les états extra corporels dans le bouddhisme par Tsenshab Serkong Rinpotché – Study Buddhism
4 Autres graphies du nom ครูบา ขาวปี : Khruba Khaopee ou encore Kawpe.
5 Sur cet important concept cher aux bouddhistes thaïlandais, l’on vous invite à lire l’interview d’un grand spécialiste des religions, Odon Vallet, reproduite dans notre article Wat Ton Kwen à Chiang Mai. Offrande de riz et feu en l’honneur du Bouddha.
6 L’analyse de Samuel L’Hermitte apporte un intéressant éclairage sur le mot le plus adapté en l’espèce : Adorer, vénérer, révérer

Crédit photographique de l’image à la Une : inconnu. Source : CM77.
Article composé le 15.05.2018 et mis à jour le 11.12.2023

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Les apparitions nocturnes de Phra Upakut

Celles et ceux qui traîneront dans les rues de Chiang Mai un mardi soir de pleine lune risquent d’être quelque peu surpris : une cérémonie d’offrandes nocturnes aux moines réunit à chaque fois des centaines de pratiquants bouddhistes en l’honneur de Phra Upakut (พระอุปคุต en thaï). Les dévots sont tout de blanc vêtus face aux moines et leur robe orange. C’est là un rite propre au pays Lanna.

Cette année, la première des cérémonies nocturnes aura lieu dans la nuit du mardi 21 mai 2024.

On vous donne ici les éléments pratiques pour assister à cette cérémonie religieuse organisée en pleine nuit. De plus, nos informations sont pour le moins intéressantes pour qui veut mieux comprendre les croyances bouddhistes.

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Phra Upakut est représenté dans moult temples du nord de la Thaïlande, assis en position méditative, les mains sur son bol d’aumônes, coiffé de sa feuille de lotus, le visage souriant, légèrement renversé. Mais qui donc était ce saint homme ?

Tak bat peng pud de l'année 2018
Affiches d’une des éditions 2018 de cette cérémonie religieuse propre au pays Lanna

Son existence relève plus de la légende que de l’histoire. Mais en Asie histoire et légende se confondent bien souvent. Phra Upakut (en sanskrit, Upagupta Thera) était un sarvāstivādin, un moine bouddhiste de la forêt (un courant dont nous vous parlerons un jour). Il vécut au nord de l’Inde au IIIe siècle avant J.-C. sous le règne de l’empereur Aśoka, grand protecteur du bouddhisme. Notez qu’Upagupta Thera n’est jamais mentionné dans le canon pāḷi. Ici en Thaïlande, sa légende est incluse dans le Phra Paṭhamasambodhikathā, un récit populaire jātaka (mot sanscrit qui décrit les histoires des naissances antérieures du Bouddha historique). On le retrouve également dans d’autres manuscrits du Lanna – le nord de la Thaïlande et au-delà.

Vous pouvez admirer cette statues et ses feuilles d'or au Wat Upakut, du nom du saint homme
Une des représentations de Phra Upakut, nombreuses dans les temples du nord thaïlandais

Histoire et légendes

Retenons deux légendes à son sujet. La première, la plus troublante, a trait à sa naissance miraculeuse : il serait ainsi le fils du Bouddha historique et d’une sirène. Connu sous le nom de Bua Khem, nom signifiant aiguille tranchante en référence à la tige de la feuille de lotus qui recouvre sa tête sur presque toutes les statues qui le représentent. Selon cette légende, il a été conçu quand une sirène a ingurgité accidentellement du liquide séminal du Bouddha qui s’est détaché pendant qu’elle lavait ses robes dans une rivière.

Un moine né du liquide séminal du Bouddha !

Autre légende sanskrite ayant trait à ses vies passées : Upakut aurait été le fils d’un parfumeur et l’un des premiers adeptes du Bouddha. Un arhat – un saint – doté de grands pouvoirs magiques. Avant que le Bouddha n’entre dans le nirvana, il demanda à Phra Upakut de rester en vie jusqu’à ce que l’Éveillé devienne Maitreya, la seconde venue historique du Bouddha. Ayant pour mission de protéger la sangha – la communauté bouddhiste – et le dharma – l’enseignement du Bouddha. Aussi, les Thaïlandais croient que Phra Upakut est toujours vivant, résidant dans un palais en cristal du Grand Océan (ce qu’un chrétien appellerait le Paradis), flanqué de sa coiffe de lotus.

Et c’est précisément cette seconde légende qui explique la cérémonie dont il est question aujourd’hui, semblable à l’angélophanie chrétienne. Ainsi, Phra Upakut, à la neuvième pleine lune de l’année, arpenterait les rues en tant que moine quérant l’aumône. Le premier dévot à faire une offrande sera béni de sa bonne fortune… pourquoi pas à de Chiang Mai !

Regard typique des représentations de Phra Upakut, tête penchée
© Facebook – วัดอุปคุต

Assister aux cérémonies religieuses nocturnes

Selon la dénomination complète lanna, c’est une cérémonie nocturne qui n’a lieu que lorsque la pleine lune du mois se déploie dans la nuit du mardi au mercredi. Ce qui arrive deux ou trois fois par année. C’est alors que des cérémonies bouddhistes sont organisées en divers lieux de la ville, et même bien au-delà. Chants, sermons et autres prières débutent généralement vers 22h et les offrandes de nourriture à des dizaines de moines à même la rue se font après minuit (à minuit et une minute pour être précis). Des centaines de moines participent à l’événement dans les temples les plus importants. La cérémonie est appelée ตักบาตรเป็งปุ๊ด (tak bat peng pud, en langue du nord) ou ตักบาตรเที่ยงคืน (tak bat thiang kuen, en thaï, thiang kuen signifiant minuit). C’est là une tradition typique du Lanna – l’ancien nom du royaume du nord – que l’on vous invite vivement à découvrir.

Ferveur religieux en l'honneur de Phra Upakut
Les offrandes aux moines sont un acte méritoire © Chiang Mai News

Ici à Chiang Mai, le lieu emblématique où se rendre est bien entendu le temple bouddhiste qui porte le nom du saint, soit le Wat Upakut (วัดอุปคุต), qui se trouve sur la route Tha Phae, après le pont Nawarat, à gauche en allant vers la cité fortifiée (« le carré »), et donc au nord du fameux Night Bazaar. Ce temple, fondé au XIVe siècle, accueille la cérémonie la plus importante (emplacement et page Facebook; plus de site web à notre connaissance).

Parmi d’autres temples, le Wat Suan Dok (วัดสวนดอก), là où sont érigés les tombeaux royaux du Lanna, organise lui aussi cette célébration nocturne. Attention ! Ici la cérémonie débute habituellement à 20h alors que les offrandes aux moines se font à minuit une (emplacement, site web et page Facebook).

Ce sont là les deux temples principaux où se déroulent les cérémonies les plus populaires du tak bat peng pud en ville de Chiang Mai.


Cérémonies de l’année 2020

Hélas, trois fois hélas, les cérémonies d’offrandes à minuit (dans la nuit du mardi 5 au mercredi 6 mai 2020) sont toutes annulées en raison des restrictions liées à la pandémie du Covid-19. Les offrandes peuvent cependant être effectuées le matin du mercredi 6 mai 2020 au Wat Upakut où – en principe – la distanciation sociale sera appliquée (désinfection des mains à l’entrée du temple, distance de sécurité à respecter et port du masque obligatoire).

Celles et ceux d’entre vous qui désiraient assister à cette cérémonie religieuse auront dû patienter jusqu’au… mardi 1er septembre 2020, seconde et unique date du calendrier lunaire où tak bat peng pud est organisé cette année. Mais hélas, tout est annulé en ville de Chiang Mai, malgré une tradition séculaire.

Quant au Wat Suan Dok, autre lieu où est attendu Phra Upakut durant la nuit, il a mis en suspens toutes ses activités religieuses. Ce devrait également être le cas de tous les autres temples qui organisent habituellement ce rite (voir la liste ci-dessous, dans le paragraphe des éditions 2019).

Notons encore que des temples de moindre importance disséminés dans la province organisent malgré tout cette cérémonie nocturne. C’est par exemple le cas, entre autres temples, du Wat Buak Krok Luang (วัดบวกครกหลวง) qui vous attend dès 23h39 ! C’est le temple situé à côté du complexe hôtelier de luxe Dhara Dhevi, à l’est de la ville, peu avant Bosang, ici.

Ailleurs dans le nord thaïlandais, une grande cérémonie est annoncée à Chiang Rai, ce mardi 1er septembre 2020 donc. Elle a lieu dès 13h30 (jusqu’à minuit passé) et inclut une parade en costume traditionnel. Plus d’infos sur cette page Facebook (c’est bien sûr en thaï).

Lampang célèbre malgré tout le tak bat peng pud, au grand dam du Covid-19. Comme par exemple à l’Université Thammasat (มหาวิทยาลัยธรรมศาสตร์ ศูนย์ลำปาง, ici) : prières dès 21h, cérémonie religieuse dès 23h et aumône à minuit.

Ce qui nous fait dire que le SARS-CoV-2 semble moins virulent à Chiang Rai ou à Lampang qu’à Chiang Mai, dans un pays où il ne sévit officiellement pas, les frontières étant hermétiquement fermées…

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Un moine très vénéré dans tout le Lanna

Phra Upakut est une figure importante en Birmanie, au nord de la Thaïlande et au Laos, soit la région de ce qui était jadis le royaume du Lanna. Divinité bienveillante possédant de grands pouvoirs magiques, elle protège contre tous les maux et les dommages physiques; ses auspices sont censés attirer la richesse.

La Thaïlande étant le pays des amulettes, vous comprendrez dès lors que Phra Upakut est souvent représenté sur celles-ci, objets sacrés à qui la population attribue des pouvoirs magiques. Le bouddhisme siamois, qui s’inscrit dans l’école du bouddhisme theravāda, s’accommode de cette particularité… hérétique s’il en est !

Diverses représentations de Phra Upakut
© Facebook – สิรภพ สายพานิช‎

Qui sait, peut-être qu’en plus de voir les nombreuses représentations de Phra Upakut dans les temples du nord de la Thaïlande, vous rencontrerez ce saint homme un mardi soir de pleine lune, transformé en moine mendiant…

Si vous n’êtes pas à Chiang Mai durant cette cérémonie nocturne (les dates varient selon les explications ci-dessus), vous aurez tout de même la possibilité de participer aux aumônes matutinales. Elles sont en effet quotidiennes, comme partout en Thaïlande. Il suffit de vous promener aux abords du temple le plus proche, généralement avant 7h du matin. À Chiang Mai, beaucoup de dévots se rendent au pied du Doi Suthep, là où a été construit un sanctuaire en hommage au moine le plus vénéré du nord de la Thaïlande, Khruba Siwichai (vous en saurez plus sur ce moine au caractère bien trempé en lisant notre article Khruba Siwichai, le saint homme de Chiang Mai). Autres endroits pour observer de telles offrandes aux moines : les marchés matinaux. Notre partenaire, le Swiss-Lanna Tour, organise avant l’aube un circuit hors des sentiers battus, que peu de touristes effectuent : vous serez là au contact du bouddhisme vécu par les Thaïlandais. C’est accompagné d’un ancien moine bouddhiste, Khun Wet, que vous assisterez à la cérémonie d’offrandes matutinales au haut du très vénéré Doi Suthep. En savoir plus.


Pour aller plus loin – Conseils de lecture

Peut-être que la pratique du bouddhisme vous attire. Si tel devait être le cas, le mieux est d’entamer une retraite dans un temple (celle de 10 jours a les faveurs de nombreux adeptes). Nous consacrerons un jour un article à cette pratique. À défaut, commencez donc par lire des ouvrages en lien avec le bouddhisme, une religion qui, sans être prosélyte, attire beaucoup de sympathisants occidentaux. On vous conseille ici quelques lectures introductives, omettant volontairement les ouvrages faisant référence à d’autres écoles du bouddhisme, telle le Véhicule du Diamant cher aux Tibétains ou le zen que pratiquent les Japonais.

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De quelques ouvrages fort instructifs

Tout d’abord l’Introduction à l’enseignement du Bouddha et à sa pratique de Michel Henri Dufour, un auteur affilié à la tradition Theravâda de la forêt propre à la Thaïlande. Vous touchez là à l’enseignement de l’École des Anciens, l’essence du bouddhisme. Beaucoup de personnes sont venues au bouddhisme par la lecture de L’Enseignement du Bouddha – D’après les textes les plus anciens, best-seller de Walpola Rahula. Si vous optez pour une vision d’ensemble non dénuée d’humour, Le Bouddhisme Pour les Nuls est fait pour vous (version poche). Édition plus récente fort appréciée elle aussi, 50 notions clés sur le Bouddhisme pour les Nuls est l’œuvre de Marine Manouvrier, professeur au riche bagage académique. Un ouvrage clair et concis.

Il nous semble intéressant de savoir comment se vit le bouddhisme au quotidien. Et qui mieux que Fabrice Vidal sait transmettre et son expérience et ses connaissances ? Comment être bouddhiste ? C’est là le titre d’un livre que nous vous recommandons. Vous pourrez ensuite poursuivre avec le coffret Pratique de la méditation (il contient un livre, un CD audio et un DVD). Dans le 3e ouvrage présenté ici, Fabrice Midal nous parle de son expérience – ce que vingt-cinq ans de méditation lui ont appris. Un livre au très beau titre : Frappe le ciel, écoute le bruit.

Bouddhisme - Livres Montage 2
Le bouddhisme côté pratique

Ce sont là des références destinées aux personnes désirant s’initier au bouddhisme (et non pas à celles déjà versées dans la pratique). On se permet tout de même de vous rappeler que le propre du bouddhisme est la méditation. Vous pouvez lire tous les livres que vous voulez, votre connaissance du bouddhisme ne sera qu’intellectuelle. Or, l’essence même du bouddhisme est d’oublier tout savoir et de pratiquer la méditation. Ceci afin d’atteindre l’Éveil.

Que vous vous intéressiez au bouddhisme ou non, ne manquez pas d’attendre fébrilement, mêlé à la population de Chiang Mai, Phra Upakut. Sa rencontre sera gage pour vous d’une bonne fortune…


Anciennes éditions tak bat peng pud

En 2019

La cérémonie tak bat peng pud n’a eu lieu qu’à deux reprises l’année dernière, 2019 donc : les mardi 19 mars et mardi 10 décembre 2019. On vous rappelle que chaque temple est libre d’organiser son tak bat peng pud (explications ci-dessus), qui a donc lieu à minuit. En ville de Chiang Mai, les deux temples ayant recueilli le plus de dévots sont le Wat Upakut (วัดอุปคุต) et le Wat Suan Dok (วัดสวนดอก). 

Affiche du Wat Suan Dok

D’autres temples de la région attendaient eux aussi Phra Upakut. Non loin de Chiang Mai, à Doi Saket, le Wat Wang Than (วัดวังธาร หมู่ที่) proposait la présence de neuf moines. À l’est de la Rose du Nord, vers San Kamphaeng, les moines du Wat Phra Pan, appelé également Wat Phranon Mee Pukha (วัดพระป้าน ou วัดพระนอนแม่ปู๋คา) officiaient dès 22h. On vous a déjà parlé de ce temple qui permet une chouette balade dans la campagne; lisez donc notre article Un temple où repose un Bouddha couché à l’ombre des ombrelles… Au nord de Chiang Mai, à Mae Rim, les prières du Wat Tamnak Thamma Nimit (วัดตำหนักธรรมนิมิต) sont psalmodiées dès 20h30 déjà.

Dans le chef-lieu éponyme de la province voisine de Lamphun, le magnifique Wat Phra That Haripunchai Woramahawihan (วัดพระธาตุหริภุญชัย วรมหาวิหาร จังหวัดลำพูน) a lui aussi marqué l’événement, comme à son habitude. À Lamphun toujours, au Wat Phrathat Doi Hang Bat (วัดพระธาตุดอยห้างบาตร), neuf moines bouddhistes ont prié dès 20h puis organisé la cérémonie spéciale dédiée à Phra Upakut à 22h30, étant prêts pour les aumônes à 23h59. Et enfin, dans la vallée de Mae Wang, au sud-ouest de Chiang Mai, les aumônes de minuit pouvaient être effectuées au Wat Saen Kham (วัดแสนคำ).

Vous l’aurez saisi, le chiffre 9 lié au nombre de moines rappelle le 9e mois lunaire du calendrier Lanna, mois où est attendu Phra Upakut…

En 2018

En l’an 2018 – 2561 selon le calendrier bouddhiste thaïlandais – ce ne sont pas moins de trois nuits de pleine lune où la population dévote de Chiang Mai a attendu Phra Upakut : les mardi 30 janvier, mardi 26 juin et mardi 23 octobre 2018. Chants, sermons et autres prières ont animés ces trois nuits en divers lieux de la ville. Ici en vidéo la dernière nuit de l’année :


Sources bibliographiques : Thai Buddhist Amulets et The not so innocents abroad.
Article composé le 30.01.2018 et mis à jour le 20.05.2024

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